Coup d’État au Niger :entre Goïta, Traoré et laCedeao, Doumbouya

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Si la Guinée rejette les décisions prises par
la Cedeao contre le Niger, elle n’adopte pas
pour autant les positions du Mali et du
Burkina Faso. L’époque où Conakry,
Bamako et Ouagadougou parlaient d’une
même voix est-elle révolue ?

Depuis le coup d’État au Niger, les putschistes de
Niamey ne comptent pas leurs efforts afin de trouver
des soutiens, en particulier dans les capitales ouest-
africaines. Ce samedi 12 août, une délégation du
Conseil national pour la sauvegarde de la patrie, qui
tient Mohamed Bazoum en otage depuis le 26 juillet,
s’est rendue à Conakry afin d’y rencontrer le président
guinéen de la transition, Mamadi Doumbouya.
Conakry courtisé
Conduite par le général Moussa Salaou Barmou,
nouveau chef d’état-major des armées, la mission
nigérienne a demandé au dirigeant guinéen « un
soutien renforcé pour affronter les défis à venir », alors
que la menace d’une intervention militaire de la Cedeao
s’est précisée lors du dernier sommet extraordinaire de
l’organisation, le 10 août dernier à Abuja. Si une
médiation d’autorités religieuses nigérianes est encore
en cours, la Cedeao maintient donc une pression inédite
sur les putschistes, et chacun tente de trouver des
alliés. Face au coup d’État à Niamey, quelle est la
position de Mamadi Doumbouya ?

Si le Guinéen ne se rallie pas à la Cedeao, il ne s’allie
pas tout à fait non plus au Malien Assimi Goïta et au
Burkinabè Ibrahim Traoré, lesquels ont tous deux
annoncé qu’ils étaient prêts à soutenir militairement le

général putschiste nigérien Abdourahamane Tiani. La
Guinée étant elle-même suspendue de l’organisation
sous-régionale, elle a déclaré qu’elle n’appliquerait pas
les sanctions économiques décidées le 30 juillet contre
le Niger. Une position qu’elle avait déjà défendue
lorsque de telles mesures avaient été prises à l’égard
du Mali, début 2022, et plus récemment, contre le
Burkina Faso.
Mamadi Doumbouya n’est ainsi pas signataire du
communiqué conjoint de Bamako et Ouagadougou,
diffusé le 31 juillet, qui assimile une intervention
militaire au Niger à une « déclaration de guerre ». Il
s’est contenté de déconseiller le recours à la force. Il y
a peu, Assimi Goïta et Mamadi Doumbouya vantaient
pourtant encore leur amitié.
« Panafricanistes, mais
pragmatiques »
Les deux dirigeants affichaient alors leur volonté de
réaliser le vœu de Sékou Touré et de Modibo
Keïta de faire renaître l’empire mandingue, en
réunissant les deux voisins au sein d’une fédération.
Entre mai et juin 2022, dix-sept « panafricanistes »
guinéens avaient d’ailleurs parcouru à pied les 1000
kilomètres qui séparent Conakry de Bamako pour
promouvoir cet idéal. Mais leurs positions ne sont pas

tout à fait alignées

Restant proche de la France, avec qui il a de très
bonnes relations, Mamadi Doumbouya reçoit
régulièrement au palais l’ambassadeur Marc
Fonbaustier. Il a également préféré se faire
représenter à Saint-Pétersbourg lorsque ses
homologues malien et burkinabè ont joué les vedettes
au sommet Russie-Afrique en juillet dernier. Et il a reçu
à Conakry, du 23 au 25 juin, le président en exercice
de l’Union africaine, Azali Assoumani – lequel avait au
contraire dû renoncer à un séjour à Bamako et
Ouagadougou, annulé début août par Assimi Goïta et
Ibrahim Traoré.

« Certains pays africains veulent
remplacer l’ancienne métropole par une nouvelle
puissance, d’où la prolifération d’un sentiment anti-
français, décrypte une source diplomatique guinéenne.
Nous, nous avons dépassé ce stade. On a vécu ça en
1958, en optant pour l’indépendance, sans que
personne ne vienne nous aider. Et nous l’avons payé au
prix fort. On connaît suffisamment la Russie et la Chine
pour ne pas avoir besoin que l’on nous dicte notre
conduite. Nous sommes panafricanistes, mais
pragmatiques. »
Cela ne signifie pas non plus que la rupture est
consommée entre Mamadi Doumbouya et Assimi Goïta.
Tous deux « échangent chaque jour », mais « la Guinée

est libre de défendre ses intérêts », glisse une source
gouvernementale.
Anticiper les crises
Par ailleurs, la Guinée ne croit pas que la crise
nigérienne puisse être résolue par les armes, comme le
rappelle à Jeune Afrique Ousmane Gaoual Diallo, le
porte-parole du gouvernement guinéen. « Nous
espérons que la sagesse va prévaloir, car les armes
sont un ultime recours. La Cedeao a l’avantage d’être
une institution respectée dans la sous-région. Jusque-
là, elle parvenait à jouer un rôle de médiateur pendant
les crises. Elle doit maintenir cette position, assure-t-il.
L’organisation ne doit pas donner l’impression d’être
une institution qui ne se préoccupe que de la survie des
présidents, il faut qu’elle s’intéresse aussi aux origines
des crises et parvienne à les anticiper. »
À LIREL’armée nigérienne peut-elle faire face à la
Cedeao ?
Ousmane Gaoual Diallo explique également que la
Guinée n’appliquera pas les sanctions de la Cedeao,
parce qu’elles « touchent plus les populations que les
dirigeants. Lorsque vous coupez l’électricité, qui souffre
du déficit d’énergie dans les hôpitaux ? Il faut faire
attention à ne pas punir les peuples ».
Ancien ministre des Affaires étrangères et ex-
représentant du secrétaire général des Nations unies en

Afrique centrale, François Louncény Fall défend la
position contraire. « Je ne suis pas pour les coups
d’État, je suis démocrate, souligne-t-il. La Cedeao est
dans son rôle. Je souhaite seulement que l’opération
soit rondement menée, de façon à éviter de faire
des victimes civiles. »

https://www.jeuneafrique.com/1472642/politique/coup-detat-au-niger-entre-goita-traore-et-la-cedeao-doumbouya-lelectron-libre/

Auteur : Diawo BARRY

Source : Jeune Afrique

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