Rattrapage Régional ?

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Un des défauts des Ivoiriens est qu’ils ne voyagent pas beaucoup dans leur propre pays. Lorsque la mort d’un ami ou collègue ou leur profession ne les oblige pas à se rendre dans d’autres localités du pays, ils ne vont généralement que dans leurs villages, les week-ends ou pendant leurs vacances.

Si cette mentalité nous permet de nous ancrer dans nos régions d’origine et de participer à leur développement, elle a le fâcheux inconvénient de nous empêcher d’avoir une vision globale de notre pays.

Ainsi, si nous savons dans quel état est la route qui mène à nos villages respectifs, si nous savons dans quel état se trouvent nos régions respectives, nous ignorons, par contre dans quel état se trouve notre pays, dans son ensemble, et surtout, ce qui est fait, depuis deux ans, par le nouveau pouvoir pour améliorer notre situation. Ma profession m’amenant à sillonner l’ensemble de notre pays et les autres pays, surtout ceux qui nous entourent, je sais dans quel état de délabrement avancé nos nègreries ont laissé notre pays et le retard qu’il a pris sur les autres. Le nord de la Côte d’Ivoire qu’est en train de visiter le Chef de l’état, en ce moment, est, il faut l’avouer, une région sinistrée qui avait totalement été abandonnée par le pouvoir précédent, du fait de la coupure du pays en deux. Laurent Gbagbo, en son temps, n’avait-il pas parlé de « pays utile », pour désigner le sud sur lequel il régnait ; le nord étant, pour lui, inutile, donc indigne de tout intérêt ? Je me souviens d’un article publié, il y a une dizaine d’années, par un journal « bleu » qui fustigeait le fait que l’on vaccine les enfants du nord, ces « enfants de rebelles ». Est-il incongru qu’aujourd’hui, le Chef de l’État parle de la nécessité de faire du développement du nord une priorité nationale ? Certains journaux « bleus », pour qui tout ce que fera Alassane Ouattara sera forcément mauvais, puisqu’il est illégitime, selon leurs raisonnements anti-républicains, la seule légitimité qui compte à leurs yeux étant celle de Paul Yao N’Dré, ont parlé de rattrapage régional. En ce sens que l’on chercherait à privilégier le nord par rapport au reste de la Côte d’Ivoire, parce que le Président de la République en serait originaire. Comme si le nord ne faisait pas partie de la Côte d’Ivoire. Et pourtant, ce qu’il faut à la Côte d’Ivoire, c’est bien un rattrapage régional qui mettrait le nord, au moins, au même niveau que les autres régions du pays. Qui ignore qu’il a été le laissé pour compte de notre politique de développement, parce que notre économie s’était articulée autour de l’exploitation du café et du cacao ? N’est-ce pas cet état de fait qui a entraîné l’exode des populations du nord vers les régions forestières, avec les litiges fonciers récurrents que nous connaissons depuis notre indépendance ? Oui, nous devons tous avoir pour ambition de faire en sorte que le nord rattrape le sud sur le plan du développement, si nous voulons vivre dans un pays de paix, de justice et d’égalité. Développer le nord par l’agriculture, l’extraction des ressources minières ou l’industrialisation, c’est déjà diminuer la pression sur les zones forestières du sud et de l’ouest et mettre un terme aux conflits interethniques, mais aussi, à terme, contribuer à l’enrichissement de toute la Côte d’Ivoire. Notre drame est que pour bon nombre de nos compatriotes, seul compte ce qui leur profite directement. Si l’on construit des routes, des barrages, des ponts, des écoles, des hôpitaux un peu partout dans le pays, du moment qu’il ne s’agira pas de leur région et que leurs revenus n’auront pas augmenté, cela signifiera toujours que rien n’est fait. Combien de fois n’a-t-on pas entendu cette phrase : « Ce n’est pas pont ou route qu’on va manger !» Soyons lucides pour comprendre que les moyens de notre pays ne nous permettent malheureusement pas de développer toutes les régions en même temps. Soyons cependant honnêtes pour reconnaître que malgré la situation économique difficile, beaucoup est en train d’être fait. Sortons de nos régions natales pour aller voir le reste du pays. Les dix dernières années de crise ont développé chez l’Ivoirien un tel égoïsme et une telle absence d’esprit civique que seul l’intérêt particulier compte par-dessus toute considération. Chacun de nous s’est replié sur sa famille, son clan, son ethnie, sa religion. Le « moi » a remplacé, depuis longtemps, le « nous » et l’État a disparu de nos consciences. Ne parlons pas des attardés mentaux qui détruisent sciemment les ouvrages publics pour que le Président de la République ne s’en vante pas dans son bilan, mais regardons tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, s’approprient tout ou partie des biens et deniers publics. A quoi obéissent les détournements de fonds publics, si ce n’est au désir de réaliser son épanouissement, celui de sa seule famille ou de son seul village, au détriment de tout le reste du pays ? Pendant les trente premières années qui ont suivi notre indépendance, nous avions pensé « nation ». Par la suite, nous nous sommes mis à penser « ethnie », « région ». Il est temps de penser à nouveau « nation », « Côte d’Ivoire ». Lorsque nous y arriverons, nous serons tous heureux que le nord rattrape le sud et nous nous mobiliserons tous pour que cela se réalise.

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