Sommet De L’union Africaine Sur La CPI : La Honte!

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Au cours du sommet de l’UA d’Addis-Abeba les 11 et 12 octobre dernier, plusieurs intervenants se sont livrés à des diatribes violentes contre la CPI, une institution jugée « raciste, colonialiste et impérialiste ». Dès lors, l’heure semble venue, selon les chefs d’Etat du continent, de lancer une mobilisation africaine contre la CPI. Il s’agit, avant tout, de « protéger » les chefs d’Etat africains en exercice tels qu’Omar El Béchir et Uhuru Kenyatta contre le marteau judiciaire de la CPI. Mieux, les chefs d’Etat africains ont lancé un ultimatum au « Conseil de sécurité » de l’ONU afin qu’il se prononce favorablement à leur requête. Soulignons que, dans les annales des sommets de l’UA, c’est l’une des rares fois où un « consensus total » a été trouvé autour d’un sujet « brûlant ». Avec les crises libyenne, ivoirienne, et malienne, l’UA s’était révélée complètement impuissante à dégager en son sein un consensus minimal. On connaît la suite. Cela dit, jusqu’à quel point faut-il prendre au sérieux la démarche des chefs d’Etat africains contre la CPI ?

Pourquoi, avec un continent ne disposant pas d’un siège au sein du Conseil de sécurité depuis sa création, les chefs d’Etat africains n’ont-ils jamais appelé à un retrait collectif de nos pays de l’ONU ?

Ce sommet, rappelons-le, c’est la quintessence même de « la confusion morale et politique » que ces chefs d’Etat rêvent d’installer, durablement, sur le continent africain. Et, une telle confusion est et deviendra dangereuse pour le devenir des peuples africains. Il n’est nullement besoin d’avoir une intelligence hautement développée pour comprendre que, derrière une démarche politique reposant sur une arrogance inadmissible, il y a, chez les chefs d’Etat africains, une absence totale de cohérence. Pourquoi, avec un continent ne disposant pas d’un siège au sein du Conseil de sécurité depuis sa création, les chefs d’Etat africains n’ont-ils jamais appelé à un retrait collectif de nos pays de l’ONU ?
Pourquoi, l’ONU, décriée comme un outil stratégique de domination occidentale des peuples faibles et vaincus, ne subit-elle pas de leur part de telles diatribes véhémentes ?

A l’antique question romaine « le monde doit-il périr pour que justice soit faite ? », Kant avait répondu : « si la justice périt, la vie humaine sur la terre aura perdu son sens ». En voulant troquer la CPI contre leur confort politique et social lors du sommet extraordinaire de l’UA, les 11 et 12 octobre à Addis-Abeba, on ne peut pas dire, franchement, que « les chefs d’Etat africains » ont été sensibles à cette réponse kantienne.
Mais la question de fond reste la suivante : en quoi la CPI empêche-t-elle les chefs d’Etat africains de dormir ? Au fond, la démarche et le raisonnement absurdes des chefs d’Etat africains ne sont pas neufs. Car, parmi eux, nous avons affaire à d’anciens dictateurs brutalement « reconvertis », contre leur propre volonté, aux vertus du régime démocratique. Il s’agit souvent d’individus qui ont pris le contrôle des appareils d’Etat aux dépens des intérêts de leur peuple, en vue de promouvoir uniquement ceux de groupes claniques et tribaux. Parmi eux, il existe des tenants de régimes qui ne se définissent que par « la persécution » des citoyens de leurs pays avec une grande brutalité.
En Afrique, qui sont généralement les responsables de crimes monstrueux sur le continent ? Ce sont les chefs d’Etat. Ce sont souvent eux qui se rendent coupables de crimes pour conquérir et conserver le pouvoir d’Etat.
La réalité politique actuelle du continent africain, c’est le règne de pouvoirs autocratiques et arbitraires, qui n’accordent aucun respect au caractère sacré de la vie humaine. Ici, on n’a pas du tout affaire à des chefs d’Etat qui gèrent leur pays avec conscience, responsabilité et honneur. Et, la majorité de ces chefs d’Etat n’ont aucunement l’intention, à l’heure actuelle, de mettre en place de véritables systèmes démocratiques en Afrique, avec ses mécanismes de contrôle et d’équilibre, ouvrant la voie à l’alternance politique. C’est pourquoi leur « croisade » contre la CPI constitue une décision politique donnant l’aval à tous les criminels sur notre continent. Quelle honte !
Qui, en Afrique, protégera les victimes et mettra fin au cycle infernal de l’impunité de certains criminels qui nous gouvernent ?

Or, l’UA rêve de « blanchir » tous les criminels, grâce à cette manœuvre politico-diplomatique désespérée. Tout cela est terrible et dangereux

Il faut donc défendre la CPI. Avec cette institution, malgré ses insuffisances et imperfections, l’Afrique deviendra, un jour, un continent qui respectera et célébrera « la vie », un continent où aucune forme d’impunité ne sera tolérée, un continent qui ne tolérera plus aucune forme de pouvoir à vie. Si cette démarche des chefs d’Etat prospérait, ce serait un adieu sans appel à l’alternance. Car quitter le pouvoir, signifierait aller tout droit à l’abattoir judiciaire.
La CPI poursuit des dirigeants politiques qui ont assassiné ou assassinent leurs propres populations. Ce sommet de l’UA a mis en évidence la césure entre l’UA et les peuples du continent. Or, ce continent est et reste peuplé de gens merveilleusement humanistes, assoiffés de dignité et de justice, et voulant, pour eux et leur descendance, une société démocratique.
Malheureusement, de nombreux dirigeants africains continuent à avoir une mentalité d’autocrates et d’oppresseurs, incapables de donner le moindre exemple en matière de respect des droits de l’Homme. Et, souvent, ils se croient immortels. Nelson Mandela, cet homme qui a réalisé dans l’histoire l’impossible, n’a cessé de répéter qu’il est mortel : « J’ai eu, dit-il, de la chance avec le peuple de ce pays. Je suis vieux. Ils seront là après moi ». Avec ce sommet de l’UA sur la CPI, il ne s’est dégagé aucune grande vision pour unir et éclaircir le chemin des peuples africains. Au contraire, avec ce sommet, ce qu’il faut retenir, c’est l’indéniable grandeur de la CPI d’attirer l’attention du monde sur l’impunité de criminels africains. Et cela, grâce au formidable travail des « sociétés civiles » africaines qui ont décidé de briser les murs du silence, de l’indifférence, fondements de l’impunité. Ce sommet dit extraordinaire sur la CPI est révoltant. Il repose sur un credo nihiliste : « tout est, tout doit être permis ». A tel point que la clef de voûte de la démarche des chefs d’Etat consiste dans ce nouveau type de commandement : « Tu tueras ton peuple dans le silence et en toute impunité ». On comprend, désormais, pourquoi l’épée de Damoclès de la CPI les empêche de dormir. Car, les dirigeants africains ont longtemps refusé et refusent toujours de poursuivre leurs pairs criminels. La CPI est donc là pour dissuader les criminels sur notre continent, qui savent que cette institution ne laissera plus impunis ceux qui ont assassiné et assassinent des innocents. Or, l’UA rêve de « blanchir » tous les criminels, grâce à cette manœuvre politico-diplomatique désespérée. Tout cela est terrible et dangereux. Et tout crime appelle une sanction. La sanction « rétablit » le droit. Ce n’est que dans « la justice » que l’Afrique remontera vers les sommets de l’Histoire.
Avec la CPI, l’Afrique dit non à l’impunité. Messieurs les chefs d’Etat, vous aviez signé et adhéré au « Statut de Rome », respectez votre propre signature, car il est trop tard pour faire demi-tour. Votre démarche n’est que la traduction politique d’un effrayant manque de vision, de confiance en soi et de fierté.

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