De Felix Houphouet Boigny A Alassane Ouattara

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Du  nationalisme  modernisateur  au  libéralisme  bâtisseur Construit par le Président  Félix  Houphouët-Boigny,  le   modèle politique et économique ivoirien fut en Afrique de l’Ouest l’expression  la  plus  authentique des nationalismes modernisateurs  postcoloniaux du 20ème siècle qui, de l’Algérie et du Ghana à la Tanzanie en  passant  par  l’Egypte,  se proposèrent de relever le défi du développement. La devise ivoirienne  «  union,  discipline, travail »de 1960 et les premiers  mots  du  nationalisme modernisateur ivoirien«  L’avenir  appartient  à  la science  et  à  la  technique  et non  au  verbalisme  creux»,proclamé en 1968, se proposaient de conjuguer le volontarisme  économique  d’un Etat investisseur avec l’effort d’émancipation et de progrès des masses laborieuses, paysannes et citadines, pour promouvoir  l’émancipation sociale  et  nationale  afin  de donner un contenu à l’indépendance. Le volontarisme de l’Etat modernisateur   a  promu,  de1960 aux années 1990, une croissance économique et un progrès social remarquables et  exemplaires  en  Afrique. Inspiré par le jacobinisme républicain, le modèle politique de  l’Etat  volontariste  a construit une Côte d’Ivoire citoyenne, fondée sur l’intégration socio-économique de la diversité culturelle et confessionnelle, et ouverte sur l’universel.  Cimenté  par  les valeurs du dialogue, de la tolérance, de l’acceptation de la différence, un sentiment de commune  appartenance  a unifié la diversité ethnique et confessionnelle   donnant progressivement naissance à une  nation  caractérisée  par son hétérogénéité et son pluralisme. Cette unité nationale d’une communauté plurielle, qui mobilisa les énergies collectives vers l’émancipation, fut une structure de développement. La face de lumière du modèle ivoirien donne à voir la mise en œuvre d’un projet de développement  de  la  société tout entière, soutenu d’une part   par  une  politique  de grands travaux, d’investissements pour construire les infrastructures indispensables au développement, et d’autre part par une politique de redistribution  des  fruits  de  la croissance destinée à réaliser l’intégration  socio-économique  de  la  diversité  nationale.   Elle  révèle  la mobilisation  d’une conscience nationale en formation, la responsabilisation d’élites  incitées  à  s’engager activement dans le développement de leurs villages ou région d’origine. Le service de l’intérêt général et la défense du bien commun sont assurés par une administration efficace, par des services de sécurité garant de la paix sociale, et  par  une  armée  républicaine. Mais le centralisme politique, l’étatisation  de  l’économie ont construit une face d’ombre dans le modèle ivoirien. L’Etat mobilisateur fut rongé par le clientélisme, par la privatisation  de  la  chose  publique dans la corruption, et par la rupture finale de la représentativité.  Des  oligarchies  ayant  des  objectifs économiques  et  politiques indifférents à ceux du pays et des intérêts particuliers en contradiction  avec  l’intérêt général  sévirent,  mettant  à mal  le  contrat  social.  Travaillé  en  souterrain  par  sa face d’ombre, l’Etat modernisateur  ivoirien  s’était  transformé en Etat patrimonial. En 1990, l’intervention technocratique du Premier ministre d’alors Alassane Ouattara se situe au moment où la face d’ombre  de  l’Etat  mobilisateur triomphe sur la face de lumière   et  où  la  remise  en marche de la dynamique de la modernisation  économique exigeait de libérer l’économie  des  logiques  politiques d’un Etat devenu patrimonial. La reprise technocratique et rationaliste  de  l’œuvre  de modernisation  économique relevait d’un impératif national. Le projet ultime de l’Etat autoritaire mobilisateur ivoirien n’avait-il pas été de réaliser  les  conditions   du take-off  économique  pour préparer un développement endogène fondé sur la démocratie ? L’épuisement  du modèle de l’Etat volontariste requérait  donc  un  nouveau régime politique favorisant la mise en œuvre d’une modernisation fondée sur l’autonomie  de  l’économie  par rapport au pouvoir politique et susceptible de promouvoir le développement endogène. La signification historique de1990 fut de libérer l’économie du contrôle politique et des priorités contraires à ses besoins. Le coût social et humain de ce redressement nécessaire   fut  d’autant  plus élevé que faisait défaut un régime politique permettant de gérer  le  changement  social, gestion à laquelle le multipartisme formel ne suffisait pas. 2010 réparera cette carence. L’avènement de la démocratie  par  l’élection  à  la  présidence  de  la  République  au suffrage universel de celui qui fut l’architecte des réformes et  de  la  redynamisation  de l’économie  en  1990,  réalise les conditions politiques nécessaires  au  développement endogène. La gestion du bien commun fondée sur l’expertise et la technocratie, et l’administration  rationnelle  du service  de  l’intérêt  général, symbolisées et incarnées parles  deux  têtes  de  l’exécutif ivoirien actuel, engage la dynamique  d’une  nouvelle  alliance entre la modernisation économique  et  l’émancipation sociale dont la démocratie  conquise  en  2010constitue la médiation.

PROFESSEUR DE PHILOSOPHIE.

VIENNE. AUTRICH

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