Félix Houphouët-Boigny : 20 Ans Après

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Vous en êtes-vous aperçus ? Demain, nous serons le 7 décembre. Et alors ? Alors, nous serons le jour anniversaire de l’accession de la Côte d’Ivoire à l’indépendance nationale, répondront certainement et d’abord tous ceux qui suivent l’actualité de ce pays. Bingo ! «Et ensuite ?», vous empressez-vous de vous demander. Eh bien, pour ceux qui l’auraient oublié, c’est à cette date historique que le président Félix Houphouët-Boigny s’est éteint. Officiellement du moins. C’était le 7 décembre 1993. A l’âge de 88 ans, toujours officiellement. Après 33 années de pouvoir… effectivement.

Vingt ans déjà donc que le «Vieux» s’en est allé. Deux décennies après, que retenir d’un si long règne ? Beaucoup de choses dont il serait utopique de vouloir parler dans une page de journal.

N’empêche, retenons, sur le plan économique, que le président Houphouët est parvenu à faire de la Côte d’Ivoire ce que peu de ses congénères ont pu réaliser pour leurs pays jouissant des mêmes avantages comparatifs.  D’où ce florilège de superlatifs pour exprimer le «take off» de l’ancienne Basse-Côte d’Ivoire» : «Miracle ivoirien», «Locomotive de l’Afrique de l’Ouest», «Ilot de prospérité dans une Afrique minée par la pauvreté», et tutti quanti.

Plus précisément dans le secteur de la production industrielle, l’ancien syndicaliste paysan, partisan du libéralisme, a ravi la vedette à son voisin et rival idéologique, Kwame N’Krumah dont le pays disposait pourtant d’atouts autrement plus grands pour relever le challenge face à la Côte d’Ivoire. Pas plus qu’il n’a pu damer le pion à Houphouët-Boigny en matière de production agricole puisque le Ghana a été détrôné du piédestal de premier producteur de cacao où il s’était hissé au moment de l’indépendance.

Par ailleurs, le démiurge de la lagune Ebrié a su imprimer sa marque dans bien d’autres domaines. Durant tout son règne, son pays n’était-il pas désigné sous les expressions comme «Havre de paix», «Terre d’hospitalité», «Model de stabilité politique» «Haut-lieu  de la diplomatie ouest- africaine», etc. ?

Rendons donc à «Nanan Boigny» ce qui est à «Nanan Houphouët». Fût-ce par le survol que nous venons d’esquisser.

Mais pour immense et noble que soit le bilan «du médecin africain engagé», il n’en demeure pas moins truffé de scories. Et l’une d’entre elles est nichée dans l’héritage politique : précisément l’orchestration de sa succession. Une fausse note qui explique en grande partie la grave crise dont le pays commence à se relever.

Certes, sur le plan institutionnel, l’après-Houphouët avait été bien tracé sur les tables de la loi et exécuté à la lettre après sa disparition.

En effet, à la mort du «Vieux», le président de l’Assemblée nationale, Henri Konan Bédié, «Dauphin constitutionnel», a hérité des rênes du pouvoir. Mais était-ce l’homme qu’il fallait à cette place quand on sait toutes les intrigues de cour qui se tissaient déjà autour du monarque agonisant ? N’eût-il pas été plus sage d’instaurer une forme de transition après un si long règne ?

En d’autres termes, n’eût-il pas été plus clairvoyant qu’à la place de «Dauphin» se retrouvât un compagnon de première heure du «Vieux», suffisamment légitime pour conduire cette transition-là et pas trop jeune pour faire craindre aux impatients un autre long bail de plusieurs années ? Nous pensons par exemple  à Philippe Yacé, vieux compagnon de lutte d’Houphouët, un temps détenteur du perchoir, et tout puissant secrétaire général du PDCI/RDA pendant deux décennies.

Mais c’était sans compter avec la conception baouliste d’Houphouët en matière de dévolution du pouvoir. N’aimait-il pas répéter à l’envi qu’«un chef baoulé ne choisit pas de son vivant un successeur» ? Comme s’il s’agissait-là d’une chefferie akan. Mais fidèle à sa conception traditionnelle du pouvoir, il a pendant longtemps entretenu le flou sur le choix de son remplaçant.

En effet, après avoir mis sous l’éteignoir  son premier «Dauphin» constitutionnel qu’était Philippe Yacé en 1980, «Nanan Boigny» mettra du temps à nommer  son successeur. Alassane Dramane Ouattara, Premier ministre qui avait assuré l’essentiel du pouvoir durant les hospitalisations répétées du président, a finalement été écarté au profit d’Henri Konan Bédié. Ce dernier, pour barrer la route à un concurrent sérieux, ne trouvera pas meilleure parade que de faire introduire dans la Constitution cette disposition législative ad hominem : «Une personne est ivoirienne si et seulement si ses quatre grands-parents sont nés en Côte d’Ivoire». Pas besoin d’être un devin pour savoir à qui était destinée cette camisole de force. Le concept inquisitorial de l’ivoirité venait de naître. Portant en lui les matériaux du bûcher qui allait embraser le pays du «Vieux».

 

 

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