Guillaume Soro, Pédagogue De L’esprit Républicain : Réflexions Sur L’accueil Du Roi Du Maroc le 23 Février 2014 à Abidjan

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 Je contemple depuis quelques jours, la belle architecture politique de l’Amérique. Mais suivant par ailleurs l’actualité ivoirienne, je n’ai pu m’empêcher d’en venir à une méditation sur l’essence de la république. A Washington comme à Abidjan, une république,  qui plus est démocratique,  n’est pas une foire à tout. On ne s’y impose pas par des effets de manche, des suppositions hasardeuses ou des réflexes d’esbroufe,  des bravades creuses ou des fuites de presse organisées pour semer la zizanie et nuire à la cohésion nationale. Dans une république démocratique, on n’accède pas à la lumière par des démarches collatérales infécondes, des insinuations obsessionnelles ou des manœuvres où l’indignité morale le dispute à l’esprit d’inconséquence.  A vouloir ainsi distordre l’esprit républicain et le sens de l’ordre institutionnel, on s’expose nécessairement à de vigoureux retours de bâton. A-t-on compris où je veux en venir ? Contrairement au spectacle désolant qu’une certaine opposition ivoirienne a ténu à donner depuis que le président de la république séjourne à l’étranger pour des raisons de santé et de convalescence somme toutes ordinaires, il y a de la hauteur dans l’attitude des chefs des différentes institutions de Côte d’Ivoire. Il faut saluer leur élégance et leur prestance, mais aussi leur probité. Dans ces conditions-là précisément, il importe au plus haut point de persévérer dans l’éducation du peuple, comme le montre excellemment la démarche sobre et disciplinée du président de l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire, Guillaume Kigbafori Soro, qui se pose véritablement en pédagogue républicain dans la séquence politique ivoirienne actuelle. Ne convient-il pas justement de saisir des occasions d’éduquer le peuple,  comme celle que nous offre le rituel républicain de l’accueil le dimanche 23 février 2014 de Sa Majesté Mohamed V, roi du Maroc, à Abidjan par les chefs des différentes institutions ivoiriennes ? Je voudrais consacrer la présente tribune à décrire les procédures de cet accueil républicain du roi du Maroc, afin de montrer par l’analyse des rôles respectivement joués par le Premier Ministre Daniel Kablan Duncan et par le Président de l’Assemblée Nationale Guillaume Soro,  qu’il importe plus que jamais à tous, en Côte d’Ivoire comme partout ailleurs en Afrique, de s’imprégner de l’esprit des constitutions qui régissent leurs vies. On évitera ainsi de s’abrutir dans quantité de délires stériles sur le fonctionnement de nos institutions politiques modernes.

Il faut bien sûr d’abord faire un sort bref et définitif aux mésinterprétations de la république démocratique qui circulent dans l’opinion ivoirienne en particulier, et africaine en général. La première de ces fausses conceptions suggère que dans une république, n’importe qui peut devenir n’importe quoi à tout moment. C’est la conception magique de la république. On confondrait pourtant ainsi démocratie et autocratie, comme s’il suffisait d’un hop de la tête pour faire ou défaire le destin d’un homme dans une société régie par la loi juste ! Non, en démocratie, c’est la loi juste qui tranche, c’est elle qui régit la vie des institutions, les relations entre elles et la population, les possibilités de mobilité des dirigeants, les possibilités d’émergence verticale des citoyens de toutes conditions. Dans une république démocratique, n’importe qui ne devient pas n’importe quoi à tout moment. Il faut sortir de cette conception magique du pouvoir républicain, pour s’imprégner de sa nature juridique, morale, et donc procédurale.

La seconde fausse conception de la république démocratique est celle qui surévalue les effets de manche sur les réalités institutionnelles. Je la qualifierais de conception spéculaire de la république, solidaire bien sûr de la conception magique précédente. Entièrement basée sur les flashes et raccourcis subconscients fabriqués par les officines propagandistes des différents camps politiciens, cette conception prend ses spéculations pour la réalité du moment et enferme ainsi dans une bulle imaginaire, ceux qui y adhèrent pieux et poings liés, comme le personnage Candide de Voltaire. Or le speculum du fantasme du pouvoir n’est pas le pouvoir ! Une image, une photo, un tweet, des commentaires de supporters plus ou moins lobotomisés par leur mandant politique en embuscade, ne font pas la différence sur le plan fondamental de la vie des institutions.

Où trouver dès lors la structure de la vie des institutions républicaines ? Sur quelle règle d’interprétation faut-il se baser pour comprendre les enjeux de chacune des séquences politiques d’une démocratie émergente comme celle de Côte d’Ivoire ? Je rappelle ici une vérité de La Palice, que trop de gens ont tendance à occulter dans leurs rêveries de promeneurs bien solitaires. La constitution est le rituel de référence du jeu des institutions en démocratie. Un exemple pédagogique ?  Nous en avons un sous les yeux. Analysons-le pour en extraire une substantifique moelle qui servira, espérons-le, d’antidote durable aux fausses conceptions ambiantes de la république démocratique en Afrique. Revoyons le scénario de l’accueil du Roi du Maroc, ami majestueux de la Côte d’Ivoire, le dimanche 23 février 2014 à Abidjan.

Qui était au pied de l’avion royal marocain pour recevoir en primauté, le souverain chérifien ? Le Premier Ministre de Côte d’Ivoire, Daniel Kablan Duncan. Qui suivait le Premier ministre ivoirien dans l’ordre protocolaire de l’accueil ? Le Président de l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire, Guillaume Kigbafori Soro. Certains se seraient-ils attendus à voir quelqu’un d’autre en lieu et place du Premier Ministre de Côte d’Ivoire à cet endroit et dans ce rôle précis, en l’absence du Chef de l’Etat ? Qu’ils se ravisent et lisent bien la loi n°2000-513 portant constitution de  la Côte d’Ivoire, notamment en son article 53, alinéa 2 : « Le premier ministre supplée le président de la république lorsque celui-ci est hors du territoire national. Dans ce cas, le président de la république peut, par décret, lui déléguer la présidence du conseil des ministres, sur un ordre du jour précis. »

Un commentaire ? Cette visite royale aura été l’occasion de voir l’ordre institutionnel ivoirien à l’œuvre.  On a pourtant vu, dans la presse de l’opposition ivoirienne notamment, nombre de gens prendre leurs suppositions déplacées pour la réalité républicaine de ces derniers temps. Certains, sibyllins et malicieux, ont voulu relancer le thème éculé d’une bataille successorale réactivée à la faveur de l’indisponibilité ponctuelle du Chef de l’Etat. Mal leur en a pris, du fait notamment de la focalisation exemplaire des chefs des institutions ivoiriennes sur leurs missions régaliennes. D’autres, plus pervers encore, ont fait des visites au Chef de l’Etat convalescent, le critère d’analyse du jeu des institutions du pays, comme s’il y avait la moindre ombre de doute à entretenir sur la cohésion des hommes et des femmes qui impulsent aux côtés du président Ouattara, la nouvelle émergence ivoirienne. La vérité, pure et dure comme ce soleil du 23 février à Abidjan, aura éclaté les bulles de l’imposture, une fois de plus. Ni cafouillage institutionnel, ni jeu de chaises musicales à volonté, ne règlent l’immuable rituel d’une république où la légalité et la légitimité se déploient de mieux en mieux, au grand dam de tous les prophètes de malheur.

Mais il faut dire mieux, pour ne pas faire la fine bouche quand l’Histoire, une fois de plus, donne raison à un homme comme Guillaume Soro, qui s’est toujours défini préalablement par sa mission avant toute saine ambition. La haine du Bien prospère pourtant toujours sur les faibles d’esprit. En mission d’Etat dans ses tâches de représentation protocolaire et diplomatique du Chef de l’Etat au Congo, en Tunisie et en Iran, le président de l’Assemblée Nationale a servi de cible privilégiée, ces  deux dernières semaines à de véritables séances d’exorcisme médiatique, de sorcellerie politicienne et de vaines haines aigries s’étouffant comme toujours de leur propre poison. Serein et imperturbable, confiant en l’exemplarité filiale de sa relation au Chef de l’Etat, tout comme certain de la fluidité cérémonielle du jeu des institutions ivoiriennes, l’hôte de la Perse austère a retrouvé tranquillement ses quartiers parlementaires d’Abidjan. De retour en Côte d’Ivoire, sans dire un mot plus haut que l’autre de toutes les vilénies dont certains ont voulu l’affubler dans tant de médias, Guillaume Soro, conscient de l’importance destinale de ses tâches parlementaires, est strictement resté fidèle au rôle que la constitution lui assigne. Ainsi, au pied de l’avion présidentiel marocain, le chef du Parlement a  naturellement attendu que le Premier Ministre, suppléant le chef de l’Etat pour la circonstance, remplisse ses fonctions régaliennes.

Quelles leçons en tirer une fois de plus ? Que la constitution ivoirienne, décidément encore elle, distingue clairement les notions de suppléance du Chef de l’Etat et celle de vacance du pouvoir du chef de l’Etat. Ivoiriens, Africains, lisons et méditons nos constitutions ! Selon l’article 40, en effet, la vacance du pouvoir n’est constatable qu’en cas de décès, démission ou empêchement absolu du président de la République. Or, il n’y a même pas un soupçon de vacance de pouvoir présidentiel en Côte d’Ivoire. Pourquoi dès lors s’étonner que ce soit la suppléance, conforme à l’article 53, alinéa 2, qui prime ?  Par son attitude irréprochable, sobre et exemplaire, le chef du Parlement ivoirien nous apprend, en démocrates républicains, à bien nous imprégner de l’esprit et de la lettre de nos constitutions, afin de ne pas confondre les nobles missions de pâturage des peuples émergents avec des comptes d’épicerie politicienne.  L’esprit républicain, c’est la connaissance précise et le respect rigoureux des conventions fondamentales de la nation. C’est le sens de la réserve et de la responsabilité, du tact et de la généreuse patience envers les faiblesses humaines. C’est par-dessus tout, la profonde conscience de l’intérêt général d’une nation ou d’un peuple, par-delà les bisbilles éphémères des imposteurs d’un temps. Telle est la pédagogie Soro en ce mois de février 2014, et il y a fort à parier que la Côte d’Ivoire ne s’en porte que mieux. Président Guillaume Soro, comme on le dit à Abidjan, je vous le dis pour ma part de Washington : « Merci là-bas ! »

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