Occupation Des Forêts Classées : Un Danger Guette L’ouest

0
35

La crise de 2002 avait donné libre court à une occupation illégale des forêts classées du pays. Malgré la fin de la longue crise, le sujet continue d’alimenter les débats et de susciter des craintes à tous les niveaux

L’Ouest n’est plus la poudrière qu’on connaissait pendant la longue période trouble de 2002 à 2011. Mais le retour à la normalité ne signifie pas non plus que tout marche à merveille. Car, si l’Ouest est apaisée, la zone doit également faire face à l’épineuse question de déguerpissement des forêts classées. Occupées illégalement par des nationaux et des non nationaux, ces aires protégées doivent nécessairement être libérées par leurs résidents. Appartenant à l’Etat, c’est à l’Etat de procéder au déguerpissement et d’assurer la protection de ces forêts dont la plus importante est le Mont Peko, où vivent les proches d’Amadé Ouéremi, un ressortissant burkinabè, arrêté pour son refus de discuter avec les autorités. Il est vrai que le gouvernement avait lancé depuis décembre 2011, l’opération de déguerpissement des forêts classées parcelle d’Anguededou qui fait400 ha. La forêt du haut Sassandra, 102 400 ha, s’étend entre Daloa, Vavoua et Zoukougbeu. Infiltrée à 75%, sa libération a débuté en décembre 2013 et s’est poursuivie les 27 et 28 juin dernier. Idem pour la forêt classée de la Niegré qui s’étend sur une superficie de 92 500 ha entre Sassandra et Guéyo. Le déguerpissement des 10 000occupants avait débuté le 11juin 2013. En dépit de ces actions entreprises par le gouvernement, il reste encore beaucoup à faire pour que les forêts classées soient totalement libérées. Le 18 juillet2013, le ministre auprès du président de la République en charge de la Défense avait donné un ultimatum de trois mois aux occupants de la forêt classée du Mont Péko, pour débarrasser les lieux. «On n’est pas là pour vous chasser. Mais c’est pour vous le démontrer qu’on vous donne trois mois pour faire vos bagages. L’Oipr (Ndlr ; l’Office ivoirien des parcs et réserves) enverra ses hommes pour occuper la forêt. L’Etat va reprendre ses droits sur le parc. D’ailleurs, l’Addr (Ndlr ; l’Autorité pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration) est là pour s’occuper de la réinsertion des jeunes », avait intimé Paul Koffi Koffi.

De la fermeté du gouvernement …

« Nous sommes d’accord avec le ministre, porteur d’un message du président Alassane Ouattara. Nous sommes venus chercher à manger, mais pas pour nous quereller. Nous prions Dieu pour qu’il donne la paix, afin que tous, nous aidions le gouvernement dans sa mission», avait répondu Sankara Bouréïma, un notable. «Nous voulons qu’il y ait la paix et que tout le monde en profite. Pour les armes, comme pour le départ du parc, nous sommes prêts à nous exécuter » avait pour sa part, rassuré Ganamé Youssouf, porte-parole des jeunes occupants de la forêt du Mont Peko, celui qui était l’homme de main d’Amadé Ouéremi. Mais plus d’un an après l’ultimatum du ministre en charge de la Défense, cette forêt est encore sous occupation. L’Etat a certes entamé des opérations de déguerpissement dans différentes forêts, mais selon des sources, dans les faits, la réalité est toute autre. A la vérité, certains occupants ont accepté sous la contrainte des autorités de quitter les lieux, mais d’autres s’entêtent à rester ou reviennent quand ils avaient accepté de partir. Dans l’entendement de tous, ces occupants sont perçus comme des étrangers. Et pourtant, les locataires de ces forêts sont originaires de Côte d’Ivoire comme d’ailleurs. Même si les ressortissants de pays limitrophes sont les plus nombreux, comme dans le Mont Péko où la majorité des habitants sont d’origine burkinabè. Une chose est claire, les Burkinabè affluent à l’Ouest, avant, pendant et après la crise ivoirienne. Car, dit-on, c’est après la survenue de la crise en septembre 2002 qu’Amadé Ouéremi, profitant de la zone de confiance érigée entre l’ex-rébellion et la partie gouvernementale, s’est emparé du Mont Péko, pour faire venir ses compatriotes dans l’objectif de planter du café et du cacao. Et les populations de l’Ouest généralisent cette situation. «Les gens estiment que depuis2002, ils ont été laminés et dévastés par la guerre jusqu’à la crise postélectorale. Ils reprochent à l’Etat de Côte d’Ivoire de ne pas tenir compte d’eux et laisse des hordes entières d’étrangers venir envahir de façon illégale son terroir et ses terres (…). Nous sommes à l’étape de la Cedeao des Etats, mais loin de la Cedeao des peuples (…). La Cedeao des peuples viendra. Mais il est trop tôt que des peuples entiers quittent leurs terroirs pour venir investir le terroir des autres. Puisque nos peuples qu’ils soient de Côte d’Ivoire, du Sénégal, du Togo, du Niger, du Benin, ou d’ailleurs, sont encore trop attachés à leurs terres et à leurs traditions … », justifie un cadre de la partie occidentale du pays.

… à la tolérance

« Nous ne voulons chasser personne. Notre pays est le premier producteur mondial de cacao. C’est grâce aux Ivoiriens, mais aussi aux étrangers. Hormis les parcs et espaces protégés, il y a beaucoup de terres où on peut cultiver », avait tenté d’édulcorer le ministre lors de sa visite dans le Mont Péko en juillet 2013. Le samedi 2 août dernier, l’association des Ivoiriens d’origine burkinabé (Aiob) avait, au cours d’une conférence de presse, plaidé pour un déguerpissement « à visage humain » des occupants de la forêt du Mont Péko. Les Ivoiriens d’origine burkinabé jugent «raisonnable » le délai de «trois ans » sollicité par le Conseil représentatif des populations du Mont Péko (Crpmp) pour l’exécution du déguerpissement. « Nous voulons traiter ce dossier délicat de la meilleure des façons avec beaucoup de solidarité et d’humanisme », a affirmé Alassane Ouattara, lors de la cérémonie du Traité d’amitié et de coopération(Tac) Côte d’Ivoire-Burkina, le jeudi 31 juillet dernier à Ouagadougou. Au regard des plaidoiries et surtout de la volonté du chef de l’Etat d’aller en douceur dans le règlement de cette affaire, il est à imaginer que la pression exercée par les autorités pour déguerpir les occupants va considérablement baisser, voire s’estomper. Les populations dès lors, recoloniseront les forêts pour celles qui les avaient quittées. Dans la forêt classée de la Niegré, d’Anguededou, du Mont Péko ou du Haut Sassandra, il va sans dire que les occupants poursuivront leurs activités agricoles puisque l’Etat qui envisage un déguerpissement à visage humain, exclut de facto, une intervention énergique immédiate. Pour les populations autochtones de l’Ouest, l’exode massif des étrangers vers ces régions les met en danger sur leur propre sol. Pendant que les autorités vont la pédale douce, le peuple Wê n’est pas loin d’interpréter le geste des gouvernants comme une caution aux étrangers. «Combien de mois ou d’années faudra-t-il aux autorités pour trouver une solution à cet épineux problème d’occupation ?», s’interrogeait un cadre de l’Ouest, après le communiqué de Ouagadougou. Pour lui, il faut faire très attention pour l’avenir de ces régions. «Car, si le problème n’est pas résolu, à long terme, une déflagration n’est pas à exclure », a-t-il prévenu. Devant cette crainte, le gouvernement a des avocats de fortune. « Justement, il ne faut pas aller précipitamment. Le faire, pourrait amener à construire un château sur du sable mou », a justifié un proche du pouvoir.

 

Auteur :

Source :

Commentaires facebook

Mettez votre commentaire

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here