Comprendre La Crise Au Sein Du FPI

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Depuis quelques mois, le Front Populaire Ivoirien (FPI) traverse une crise sérieuse qui suscite dans l’opinion et au sein des militants du parti, de nombreuses interrogations et de réelles inquiétudes.

Cette crise, comme toutes les crises, n’est pas le fruit d’une génération spontanée. Elle a son histoire. Elle a ses acteurs. Elle a ses enjeux.

Cette crise a atteint une phase critique avec le lancement du processus devant conduire à l’élection du Président du parti à l’occasion du 4ème congrès ordinaire prévu pour les 11, 12, 13 et 14 décembre 2014.

Les faits s’articulent autour des conditions juridiques et du contexte politique de l’élection du président du parti.

DES CONDITIONS JURIDIQUES DE L’ELECTION DU PRESIDENT DU PARTI

Chacun se rappelle que pour pourvoir le poste de Président du FPI à l’occasion du Congrès, les Instances du parti ont lancé un appel à candidature le 08 novembre 2014. Dans la même période, quatre (4) Secrétaires Généraux de fédération ont, à l’occasion de la cérémonie de rentrée politique de la Fédération de Gagnoa, lancé un appel au Président Laurent à prendre la présidence du FPI pour, disent-ils, restaurer l’unité du parti, pour suivre la résistance démocratique afin d’obtenir la libération du président Laurent Gbagbo, priorité indispensable à la réconciliation nationale et à la reconquête démocratique du pouvoir d’Etat.

A la fin de la période de réception des candidatures, le Comité de Contrôle a enregistré deux candidatures :

Un dossier de candidature déposé le 31 octobre 2014 par les initiateurs de ‘’l’appel de MAMA’’, proposant le Président Laurent Gbagbo comme candidat au poste de Président du FPI,

Un dossier de candidature déposé le 12 novembre 2014 par votre serviteur, Président sortant du FPI.

Echaudé par les errements du Comité de Contrôle depuis le déclenchement de la crise interne au parti et pressentant d’autres dérives, j’ai tenu à rencontrer, le lundi 17 Novembre 2014, en ma qualité de président du parti, le camarade Vy Paul, président par intérim du Comité de Contrôle, afin de lui rappeler la lourde responsabilité qui est la nôtre, et celle du Comité de Contrôle en particulier, de gérer le dossier électoral en toute impartialité, dans le respect scrupuleux des textes du parti et des principes fondamentaux du droit, afin d’éviter l’approfondissement de la crise et de garantir un Congrès apaisé.

Le 18 Novembre 2014, le Comité de Contrôle a rendu publique, par voie de presse la liste provisoire des candidats à la Présidence du FPI : la candidature de Laurent Gbagbo fondateur du parti a été retenue ainsi que celle de Pascal Affi N’Guessan, Président sortant du FPI.

Mais de nombreux indices indiquaient que, dans la forme comme dans le fond, cette décision du Comité de Contrôle avait été prise en violation des dispositions statutaires du parti.

Aussi, usant du droit reconnu à tous les militants, notamment par l’article 12 des statuts du parti « de critiquer, de contester ou de demander le retrait d’une candidature », j’ai formulé le 19 novembre 2014, une réclamation aux fins de déclarer irrecevable la proposition de candidature du Président Laurent Gbagbo, et par conséquent solliciter son retrait de la liste des candidats à la Présidence du FPI. Au soutien de cette réclamation, j’ai invoqué quatre (4) moyens : l’absence de convocation et de délibération du Comité de Contrôle ; la non-conformité du dossier de candidature du Président Laurent Gbagbo; la violation des dispositions statutaires relatives aux propositions de candidature et l’impossibilité d’exercer la fonction de président du parti.

1) L’absence de convocation et de délibération du Comité de Contrôle

Pour être valable et produire des effets juridiques, un acte d’ordre administratif doit respecter des conditions de forme et de fond. En l’occurrence, la décision du Comité de Contrôle devait résulter d’une délibération dudit Comité, régulièrement convoqué pour examiner les candidatures reçues.

Or ce même mardi 19 novembre, deux (2) membres du Comité de Contrôle ont animé au siège provisoire du Parti, un point de presse au cours duquel ils ont dénoncé ce communiqué. Ils ont soutenu que le Comité de Contrôle, depuis la date de clôture du dépôt des candidatures, ne s’est pas réuni à l’effet d’examiner les dossiers de candidature. Ils se sont insurgés, puis, ont condamné « l’acte solitaire du camarade Vy Paul qui n’engage pas le Comité de Contrôle ». L’acte serait donc irrégulier. En conséquence, il est nul et de nul effet puisqu’il n’émane pas du Comité de Contrôle en tant qu’instance du parti.

2) La non-conformité du dossier de candidature du Président Laurent Gbagbo

Suivant le communiqué du Président du congrès publié dans la presse le samedi 8 novembre 2014, le dossier de candidature à la présidence du FPI doit comporter les pièces suivantes :

Une demande manuscrite ;

la photocopie de la carte nationale d’identité ou l’original de l’attestation d’identité ;

deux (2) photos d’identité de même tirage ;

la carte de militant de l’année 2014 ;

l’attestation de régularité de cotisation depuis 2012, délivrée par le Secrétariat National chargé des Finances et du Patrimoine du FPI (SENAFIP) ;

l’attestation d’appartenance à une fédération délivrée par le Secrétaire Fédéral ;

l’attestation d’appartenance à un organe central ou de contrôle, délivré par l’organe concerné ;

le reçu du droit de candidature d’un montant de 100.000 F CFA délivré par le SENAFIP.

Il en résulte que les documents suscités doivent être produits par tous les candidats de façon impérative et cumulative ; de sorte qu’à défaut de produire l’un des documents requis, le dossier de candidature doit être déclaré irrecevable. En l’espèce, le dossier de la candidature proposée du Président Laurent Gbagbo ne comporte ni « une demande manuscrite » ni « l’attestation d’appartenance à un organe central ou de contrôle, délivré par l’organe concerné ». Concernant spécifiquement l’attestation d’appartenance à un organe central, à aucun moment je n’ai été sollicité, en ma qualité de Président du parti, donc Président du Secrétariat Général et du Comité Central, aux fins de signature d’un tel document. Dès lors, la proposition de candidature du Président Laurent Gbagbo devrait être rejetée et la candidature déclarée irrecevable pour dossier incomplet.

Malheureusement, nonobstant la clarté des textes, le Comité de Contrôle a estimé que « s’agissant d’une proposition de candidature, …. le dossier ne pouvait comporter d’autre demande manuscrite que celle émanant des initiateurs. »

Il est pourtant de simple logique qu’une demande manuscrite de candidature ne puisse émaner qu’exclusivement de la personne qui entend se porter candidat. Nulle part, dans les textes du parti, et dans le communiqué du 29 octobre 2014, il a été arrêté une dérogation à cette exigence, laquelle autoriserait de tierces personnes à rédiger la demande manuscrite exigée en lieu et place du concerné. C’est d’ailleurs ce qui justifie l’exigence du caractère manuscrit de la demande. Le Président Laurent Gbagbo n’a pas fait acte de candidature et n’a pas expressément et formellement donné son accord à la proposition. Il appartenait au Comité de Contrôle de constater cette absence pour déclarer irrecevable la proposition de candidature du Président Laurent Gbagbo.

En outre, le Comité de Contrôle a estimé que la signature de l’attestation d’appartenance à un organe central ou de contrôle n’était pas de la compétence exclusive du Président du parti. D’après le Comité de contrôle :

Ni les textes fondamentaux du parti, ni le communiqué du 29 octobre 2014, ne l’indiqueraient ;

rien ne s’opposerait en conséquence que l’attestation puisse être signée par un Vice-président, comme cela l’a été dans le cas du dossier de candidature du Président Laurent Gbagbo ;

d’autant que le Président du parti étant lui-même candidat, il était nécessaire d’éviter tout conflit d’intérêt relativement à la signature d’un document nécessaire à un autre candidat.

Mais en réalité, il ne peut être valablement contesté que la délivrance de l’attestation relève du pouvoir du Président du parti.

Le dernier alinéa de l’article 42 des statuts et règlements intérieur du FPI stipule que le Président « … est secondé dans sa tâche par les Vice-Présidents ». Les Vice-présidents ont donc pour mission d’aider et de soutenir le Président dans les tâches et non de se substituer à lui, dans ses prérogatives à son insu.

Un Vice-président du parti n’est par conséquent habilité à délivrer un acte relevant des prérogatives du Président que dans l’hypothèse où le Président titulaire serait empêché ou s’il reçoit expressément une délégation de pouvoir à cette fin.

En l’espèce, le Président du parti n’a ni été sollicité, ni été empêché, ni enfin autorisé un de ses vice-présidents à cette fin. Il y a eu faux et usage de faux. L’argument invoqué par le comité de contrôle ne s’avère pas fondé. Manifestement, c’est au mépris des textes régissant le FPI que le Comité de Contrôle a jugé valable le dossier et autorisé la candidature du Président Laurent Gbagbo.

Pleinement conscients de l’irrecevabilité avérée de leur dossier et de la forfaiture du Comité de Contrôle, et déterminés à la rattraper, les initiateurs de la proposition de candidature vont réagir en produisant une lettre du Président Laurent Gbagbo, datée du 25 novembre 2014, adressée au Président du FPI, aux membres du Comité Central, du Comité de Contrôle, des Sections et des Comités de base, et à tous les militants.

Ce courrier m’a été remis le jeudi 27 novembre 2014 à 23 H 30 par Me TAPI qu’accompagnait le camarade Assoa Adou, rentré d’exil le 25 novembre 2014. Malheureusement ledit courrier, en raison de son caractère tardif la réception des candidatures ayant été fixée du 29 octobre au 15 novembre 2014 délai de rigueur n’est pas à même de corriger l’irrecevabilité invoquée. En outre, cette adresse qui est une réponse positive à l’appel de Mama, n’est pas une demande de candidature. De surcroit elle n’est pas manuscrite, mais dactylographiée.

3) La Violation des dispositions statutaires relatives aux propositions de candidature

L’article 12 des statuts du parti dispose que : « à l’occasion des élections au sein du parti, tout militant a le droit de proposer, de critiquer les candidats ou de demander le retrait de candidature dans le délai de dix (10) jours à compter de la publication de celle-ci. La demande de retrait est adressée à la structure immédiatement supérieure s’il s’agit d’un organe de Direction », c’est sur le fondement de cet article que M. Michel Gbagbo et quatre (4) secrétaires Généraux de Fédération ont proposé et déposé la candidature du Président Laurent Gbagbo.

Il ressort sans ambages que le droit pour un militant de proposer une candidature à l’élection n’est recevable que dans le délai de dix (10) jours à compter de la publication de la liste provisoire des candidatures.

C’est une procédure classique au sein des organisations associatives, à l’occasion des élections, de donner aux membres non satisfaits des candidatures en lice, ou en cas d’absence de candidatures volontaires, la possibilité et le droit de proposer sur leur propre initiative le candidat de leur choix. L’article 12 des statuts du FPI accorde aux militants un délai de dix (10) jours pour exercer ce droit, à compter de la publication de la liste provisoire des candidatures.

En l’espèce, cette procédure a été violée par les initiateurs de l’appel de Mama qui ont proposé la candidature  du Président Laurent Gbagbo. En effet, cette proposition de candidature a été déposée au Comité de Contrôle le 31 octobre 2014. Or à cette date, la liste provisoire des candidatures n’était pas encore connue. Celle-ci a été publiée le 18 novembre 2014. Ainsi, le dépôt de la proposition de candidature du Président Laurent Gbagbo est intervenu dix-huit (18) jours avant la date fixée par les dispositions de l’article 12 des statuts.

Cette proposition de candidature prématurée était donc irrecevable, nonobstant l’interprétation difficilement compréhensible émise par le Comité de Contrôle, qui considère que « …. le délai de 10 jours à compter de la publication ne peut en toute logique se référer qu’à une demande de retrait de candidature matériellement envisageable qu’après que sois connus les candidats figurant sur la liste publiée à cet effet ».

4) L’impossibilité d’exercer la fonction de Président du parti

Chacun de nous sait que depuis trois (3) ans, le Président Laurent Gbagbo est engagé dans une procédure judiciaire complexe et éminemment politique à la Cour Pénale Internationale. Le début de son procès est fixé au 07 juillet 2015, soit huit (8) mois après la tenue du Congrès du parti. Il va sans dire que le Président Laurent Gbagbo ne peut être physiquement présent au moment de l’élection du Président du FPI qui était prévue le 14 décembre 2014. Il y aurait donc vacance de la Présidence du FPI dès l’élection éventuelle du Président Laurent Gbagbo, violant ainsi l’article 18 alinéa 7 du règlement intérieur qui stipule : « En cas de vacance de la Présidence, le Premier Vice-président convoque un congrès extraordinaire, en accord avec le Comité Central, pour l’élection d’un nouveau Président si la durée à courir du mandat en cours est supérieure à un (1) an et demi ».

Il résulte de la lecture de cette disposition qu’on ne peut objectivement accepter la candidature d’un militant qui est dans l’impossibilité physique d’exercer immédiatement la fonction de Président du parti.

Par ailleurs, l’article 42 alinéa 1 et 2 dispose que « le Président nomme les membres du Secrétariat Général qu’il soumet à l’investiture du Congrès. Il détermine leur attribution ». Comment cela sera-t-il possible si le président élu n’est pas physiquement présent pour constituer et défendre le choix des hommes qui composeront le Secrétariat Général.

En outre, l’article 6 alinéa 3 du Règlement Intérieur précise que le Président doit être investi par le Congrès. Là aussi, la présence physique du Président élu s’avère nécessaire.

De tout ce qui précède, il ressort que la situation spécifique du Président Laurent Gbagbo constitue un facteur objectif qui rend irrecevable la proposition de sa candidature, au regard du risque de vacance de la présidence dès son élection éventuelle ; entendu qu’il serait difficilement acceptable que le congrès élise un Président et que ce soit quelqu’un d’autre qui exerce la fonction présidentielle. Une telle situation serait lourde de conséquences politiques pour le parti, dans le contexte actuel de grands défis qui exigent une forte légitimité.

Dans sa volonté de valider coûte que coûte la proposition de candidature, le Comité de Contrôle a trouvé le moyen de tourner le problème de l’impossibilité physique en question de privation de liberté pour dire « qu’il appartient au Congrès s’il décide d’élire un candidat non présent physiquement pour des raisons de procédure judiciaire, de procéder aux arrangements qui s’imposent dans ce cas de force majeure » et déclarer «  que l’absence physique d’un candidat proposé ou non, n’est pas une cause d’invalidation de sa candidature ».

Au total, et au strict plan du droit, la proposition de candidature du Président Laurent Gbagbo est irrecevable tant dans la forme que dans le fond.

 LE CONTEXTE POLITIQUE DE L’ELECTION DU PRESIDENT DU PARTI

Au-delà de la dimension juridique, il convient de ne pas perdre de vue que l’organisation du 4ème congrès du FPI et les différents faits qui l’émaillent, s’inscrivent dans le contexte de la crise sans précédent que vit le parti autour des questions de la ligne politique, de la stratégie politique et des hommes politiques qualifiés pour restaurer le parti après le chaos postélectoral, obtenir la libération du Président Laurent Gbagbo et de tous les prisonniers politiques, mettre fin aux souffrances des militants et de tous les Ivoiriens, et reconquérir le pouvoir d’Etat.

Voilà les enjeux de la bataille actuelle pour le contrôle du parti. Comme dans toute bataille de cette nature, il y a deux camps qui épousent deux visions différentes de la place du FPI dans la vie politique nationale et de son rôle dans le processus de réconciliation nationale et dans la restauration de paix, de la stabilité et de la démocratie en Côte d’Ivoire.

Les acteurs de la crise et leurs motivations

Comme une nouvelle secousse sismique succède toujours à un important séisme, la crise interne au FPI est une réplique de la crise postélectorale.

Le FPI est en crise parce qu’il a perdu le pouvoir dans des conditions tragiques en 2011. La perte du pouvoir d’Etat, l’arrestation des principaux dirigeants du parti, l’exil de centaines de milliers de cadres, militants et sympathisants du parti, les représailles et les persécutions contre les « pro-Gbagbo », ont gravement fragilisé le parti.

Ce genre de situations suscite toujours des questionnements et des remises en cause plus ou moins violentes voire des frondes, des cabales. Leur intensité est liée à l’histoire des acteurs et de l’organisation.

La crise a pris naissance au sommet du système, entre bellicistes, partisans de l’épreuve de force, et les partisans de la négociation et du dialogue politique pour mettre fin à la crise postélectorale.

Les partisans de l’épreuve de force et de la confrontation appartiennent au camp du ressentiment et des récriminations. C’est le camp de toutes celles et tous ceux qui n’ont pas surmonté les traumatismes de la crise, qui sont en quête de réhabilitation, et qui rêvent de revanche et de vengeance.

Comme dans toute situation de stress post-traumatique, ces camarades développent des tendances à l’affrontement et des démarches suicidaires. C’est le camp des « Gbagbo ou rien », le camp du refus : refus du dialogue politique, du repositionnement du parti vis-à-vis de la communauté internationale, des élections, du retour des exilés et des réfugiés, de la décrispation et de l’apaisement de l’environnement sociopolitique, de la réconciliation nationale, etc. En définitive, ces camarades refusent de regarder la réalité en face, de tirer les enseignements de la crise et de faire preuve de sagesse, de lucidité et de discernement pour définir une stratégie pertinente, efficiente et efficace pour la suite de la lutte. Aveuglés par la colère et le ressentiment, ils veulent en découdre, ils croient que la situation est déjà mûre pour une révolution sociale, pour des manifestations de masse qui tiendraient nos adversaires à la capitulation. Déni de la réalité.

Dans ce camp trois courants sont à l’œuvre et conjuguent leurs efforts pour s’emparer de la Direction du parti : un courant ‘’patrimonialiste’’, un courant ‘’messianique’’ et un courant ‘’opportuniste’’.

Le  courant « patrimonialiste » considère le parti comme un patrimoine privé dont ses « propriétaires » peuvent disposer à leur guise, recrutant et renvoyant comme « gérant » qui ils veulent et quand ils veulent. Face aux « propriétaires » les cadres du parti sont des obligés, les militants n’ont aucun droit et les textes n’ont aucune importance.

A la naissance du parti, le Président Gbagbo lui-même a dû combattre l’émergence d’un tel courant. Une telle idéologie n’était porteuse d’aucun avenir. Avec la crise postélectorale, elle refait surface, « dé-chaînée » et déterminée à récupérer « sa chose » afin de ne pas être définitivement ‘’expropriée’’.

A défaut d’avoir « un des leurs » à la tête du parti, les patrimonialistes veulent un président de pacotille, une marionnette, qui serait plus une ‘’image’’ qu’une inspiration, plus un ’’gérant’’ qu’un leader politique, en quelque sorte ‘’rien’’.

Ils sont dans l’erreur et dans l’illusion, parce que le FPI n’est pas « un bien privé » et ses militants ne le considèrent pas comme tel. C’est une organisation politique qui, d’après ses statuts « rassemble en une union volontaire les femmes et les hommes épris de justice et de liberté, engagés contre toute forme de domination sur la Côte d’Ivoire et en Côte d’Ivoire».

Pendant des années, « ces femmes et ces hommes » ont supporté la réprobation générale, l’ostracisme, les humiliations de toutes natures, les intimidations administratives, les pressions familiales et tribales, toutes sortes de blessures physiques, morales et psychologiques, pour donner une assise au parti, pour le faire grandir et accéder au pouvoir d’Etat avec Laurent Gbagbo, son leader. Le FPI est le fruit de leur lutte, de leur sueur et de leur sang.

Quand je décidais d’entrer au FPI en 1986, dans la clandestinité, c’était pour participer à cette aventure. Le FPI était embryonnaire, n’avait ni argent, ni poste ou avantages à distribuer, mais des épreuves à faire supporter.

J’ai accepté ma part d’épreuves au nom de mes convictions.

Le risque de perdre mon poste de Directeur des Etudes et des Stages à l’Ecole Nationale Supérieure des Postes et Télécommunication (ENSPT) ne m’a pas dissuadé. Au contraire j’ai tiré profit de cette position pour apporter, au  plan humain, matériel et financier, une contribution notable à la réinstauration du multipartisme en Côte d’Ivoire et aux premiers pas du FPI.

En 1990 j’ai été chargé de trouver un siège pour le parti. J’ai conduit son implantation dans la commune d’Abobo, puis à l’Est du pays et dans le Grand-Centre.

J’ai contribué à briser le ghetto ethnique dans lequel le pouvoir de l’époque voulait confiner le parti et à lui donner une assise nationale en remportant l’élection municipale dans la commune de Bongouanou, en 1990.

Depuis, je n’ai cessé de « donner » au parti ; physiquement, intellectuellement, médiatiquement, comme beaucoup de cadres à travers le pays, grâce à qui le FPI est ce qu’il est aujourd’hui.

En conséquence, le parti, à travers le Président Gbagbo, m’a confié d’importantes responsabilités et m’a honoré.

Le FPI a toujours appliqué les principes démocratiques dans le choix de ses dirigeants.

Voilà la vérité, parce que c’est cela qui est la réalité ; n’en déplaise aux « patrimonialistes » et autres courants « messianiques »  qui veulent réduire le parti à un « patrimoine privé » avec « des propriétaires » d’une part, et des ouvriers d’autre part, ou à une secte avec « ses gourous » d’une part, et des « fidèles » d’autre part. Cette attitude rétrograde est l’un des enjeux de cette crise interne.

Pour le courant « messianique » le FPI est semblable à une « religion », voire une secte, avec ses prophètes et ses gourous dont les opinions sont des paroles révélées et les désirs, des commandements.

En effet, l’histoire du FPI est d’abord l’histoire d’un homme, Laurent Gbagbo, et de sa relation particulière avec « ses militants ». Cette  relation fusionnelle a constitué la colonne vertébrale de la marche du parti vers le pouvoir d’Etat. Mais elle a sécrété des effets pervers dans l’inconscient de certains militants dont la dérive sectaire, le besoin de se ’’donner’’ à un autre imaginé comme ‘’Grand’’ possédant ’’la vérité’’ et ‘’les réponses à nos questions, tout puissant, investi d’une mission d’essence divine. ‘’L’adepte vit dans le rôle et l’illusion, dans « une soumission librement consentie » où la pensée est amputée de sa capacité à appréhender l’environnement tangible et visible. Ils n’ont pas besoin de penser par eux-mêmes, il leur suffit d’invoquer. Tout appel à la raison, toute tentative d’analyse rationnelle des situations auxquelles le parti est confronté constituent à leurs yeux de « l’hérésie », une volonté de compromission, un acte de trahison.

C’est ainsi que, pendant les durs moments de la crise postélectorale, ils fondent leur conviction d’une victoire inéluctable, dans les signes du ciel et dans le caractère messianique de la lutte.

Mais cette crise a ouvert une brèche dans cette construction imaginaire et réveillé les angoisses existentielles des adeptes. En réaction, ceux-ci cherchent des responsables de la menace de rupture de l’illusion, ceux qui veulent « tourner la page de Gbagbo », qui veulent faire ombrage à sa toute-puissance des boucs-émissaires. Ceux-là doivent être déshonorés, diabolisés. Ceux qui doutent doivent être exclus, mis au bas du parti.

Le courant « opportuniste » est né de la crise postélectorale. Il rassemble tous ceux et toutes celles qui pensent avoir été mal récompensés par le régime Gbagbo de leurs efforts pour hisser le FPI au pouvoir en 2000 : frustrations au plan matériel et financier surtout, mais aussi au plan politique, voire idéologique.

Ceux-ci croient avoir trouvé dans le chaos postélectoral, avec l’arrestation des principaux dirigeants du parti et l’exil de milliers de cadres, l’occasion de s’emparer de la direction du parti pour prendre leur revanche sur le passé. Leur action, après le 11 avril 2011, constitue dans leur entendement un « haut fait de guerre » qui fonde une nouvelle légitimité au sein du parti. C’est au nom de cette légitimité qu’ils contestent au président du parti, sorti de prison en août 2013, le droit de réaménager le Secrétariat Général en juillet 2014. Leur opportunisme les a conduit à surfer sur la vague « patrimonialiste » et « messianique » convaincus qu’elle est suffisamment forte pour les porter au pouvoir à la tête du parti.

Ce courant regroupe aussi un grand nombre de nos camarades exilés qui, pour des raisons de positionnement personnel dans la Direction du parti ou dans leur région, craignent que le parti et le pays avancent sans eux, nourrissent l’ambition d’un « retour triomphal » et en conséquence, organisent depuis leur exil et en intelligence avec les « opportunistes locaux », le sabotage de toute stratégie de dialogue politique et de négociation, le dénigrement et la diabolisation du Président du parti. Pour des « jeunes opportunistes », en exil dans la Sous-région Ouest-africaine et au sein de la diaspora ivoirienne, la « victoire » de SORO Guillaume est le témoignage qu’aux âmes « bien nées », la « valeur » n’attend point le nombre d’années. En même temps, cette ‘’victoire’’ est analysée comme la disqualification d’une génération et le temps d’une autre, la leur. Aussi, se sont-ils engagés dans la lutte pour la conquête de la Direction du FPI, afin de se hisser au niveau de leur congénère.

Au total, on note que les partisans de « Gbagbo ou rien » sont mus par des motivations diverses, certains d’entre eux pouvant appartenir aux trois courants à la fois.

En face d’eux, il y a  le camp de la décrispation et de la normalisation par la négociation et le dialogue politique ; un dialogue dynamique, sans compromission, qui n’exclut pas les moyens démocratiques de manifestation. C’est le camp des « progressistes», le camp des « Gbagbo et nous » ou « Gbagbo et la Côte d’Ivoire ». C’est aussi le camp de la paix, de la réconciliation, du progrès et de l’avenir.

Les « progressistes » considèrent qu’il faut mettre fin à la spirale de violence et à l’instabilité que connait la Côte d’Ivoire depuis une vingtaine d’années. Ils sont convaincus que sans la paix, la cohésion sociale et la stabilité politique, il n’y a pas d’avenir pour le pays et ses populations. C’est pourquoi ils militent pour la réconciliation nationale, ayant fait eux-mêmes le deuil des humiliations, des frustrations et des traumatismes subis lors de la crise postélectorale. Au nom de la réconciliation nationale, ils demandent la libération du Président Laurent Gbagbo et de tous les prisonniers politiques civils et militaires, l’apurement de tous les effets de la crise postélectorale et l’organisation des Etats Généraux de la République (E.G.R).

Les « progressistes » ont de grandes ambitions pour leur pays : une nation réconciliée, fraternelle, solidaire, prospère et démocratique.

La rupture entre ces deux camps s’est dessinée dès la sortie de prison du Président du parti, en août 2013. Des membres de la Direction du parti, aujourd’hui dans la fronde, ont d’abord tenté de l’empêcher de reprendre la Présidence du parti, au motif qu’il n’était qu’en ‘’liberté provisoire’’. Ayant échoué, ils ont joué de dilatoire pour la passation des charges, tout en répandant la rumeur que la libération du Président du parti était le fruit d’un « deal » avec le pouvoir et la communauté internationale pour « tourner la page de Gbagbo ».

Dès cet instant, toutes les initiatives du Président du parti étaient frappées de suspicions, contrariées, sinon strictement contrôlées. Cette situation s’est affirmée en mai 2014 à l’occasion de la reprise du dialogue politique avec le gouvernement, après le boycott du Recensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH). Elle s’est affirmée en juillet 2014 avec le réaménagement technique du Secrétariat Général et a dégénéré avec la question de l’élection du Président du parti au 4ème congrès ordinaire.

C’est dans ce contexte qu’il faut situer la proposition  de candidature du Président Laurent Gbagbo et les péripéties de sa présentation. Cette initiative des frondeurs vise à s’emparer de la direction du parti en instrumentalisant le nom de Gbagbo. Elle s’appuie sur l’imposture et la forfaiture.

 Le complot de l’imposture et de la forfaiture

Ce complot constitue un nouvel épisode de l’opération « Tout sauf Affi ». Elle s’appuie sur trois groupes d’acteurs : des Fédéraux, le Comité de Contrôle et un réseau de faussaires.

Des Fédéraux ont été actionnés pour donner une légitimité à l’usage du nom de Gbagbo dans l’opération ; d’où ‘’l’appel de Mama’’.

Le Comité de Contrôle a été chargé d’habiller de légalité une escroquerie politique.

Depuis juillet 2014, à la faveur de la fronde contre le réaménagement technique du Secrétariat Général, le Comité de Contrôle a abandonné sa position et sa mission de sentinelle des textes du parti, pour se mettre résolument à la disposition des frondeurs.

Pour les accompagner et les faire triompher, le Comité de Contrôle a usé abusivement de l’autorité morale et politique que lui confèrent les textes du parti pour produire des décisions iniques, transgresser les règles et procédures, s’immiscer de façon intempestives dans les activités et le fonctionnement des organes du parti, semant la zizanie et mettant à mal la cohésion interne du parti. Nombreux sont les militants à tous les niveaux qui ont été choqués par les agissements du Comité de Contrôle. Notamment ses interventions intempestives dans les réunions du Comité Central.

Au total, on peut retenir de la décision du Comité de Contrôle, d’une part que Laurent Gbagbo n’a pas fait acte de candidature, d’autre part qu’il n’a pas exprimé une acceptation expresse et formelle de la proposition de candidature déposée par les initiateurs de ‘’l’Appel de Mama’’.

Conscients de ce que la décision du Comité de Contrôle n’était pas sans tâche et sans reproche, qu’une action en justice était susceptible de l’invalider, les frondeurs ont décidé de recourir au faux, un faux courrier de Laurent Gbagbo pour donner un vernis politique à la décision juridique, pour enfermer la raison des militants dans l’émotion qu’inévitablement un tel document susciterait. En effet, qu’est ce qui peut, mieux qu’un courrier de Laurent Gbagbo adressé à la Direction du parti, aux cadres et aux militants de base, balayer tout doute sur ses intentions, dissoudre toute résistance, absorber toute réticence et mobiliser tout le parti autour de cette pseudo-candidature ? Les Frondeurs ont décidé de recourir à ce stratagème.

C’est le 27 novembre 2014 à 23 H 30 que le camarade Assoa Adou m’a appelé pour conduire à moi Me Sylvain TAPI, un jeune avocat ivoirien, exerçant à Bruxelles en Belgique. Il a dit être l’envoyé du Président Gbagbo pour me remettre un courrier ; tout comme à Assoa Adou et au Comité de Contrôle. Il serait venu spécialement de Bruxelles à cette fin.

Chacun a pu prendre connaissance du contenu de cette lettre à travers la presse, et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’émotion a été au rendez-vous : « Maintenant que Gbagbo a clairement exprimé sa volonté, Affi doit retirer sa candidature. Sinon il commettrait un parricide ; il ferait preuve d’ingratitude. Le fils ne doit pas affronter le père, ce serait un sacrilège » clamaient en chœur ceux qui avaient fait de la candidature de Laurent Gbagbo leur cheval de Troie et tous les « Gbagbo ou Rien ».

Mais, au lieu de convaincre, cette lettre a ouvert une autre page de doutes et de polémiques. Dans la forme comme dans le fond, ce courrier suscite de nombreuses interrogations.

En effet, alors que le Président Gbagbo dit répondre à « l’appel de Mama », curieusement son courrier est adressé à la quasi-totalité des structures du FPI, sauf aux fédéraux qui, pourtant, se trouvent être les initiateurs de cet appel.

Au demeurant, cette lettre du Président Gbagbo semble ignorer que la Conférence des Secrétaires Généraux de Fédération (COSEGEF) d’une part, et un groupe de 72 Secrétaires Généraux de fédération d’autre part, ont eu à se prononcer sur « l’appel de Mama » et la question de la candidature du Président Gbagbo à la présidence du FPI.

En effet le communiqué de l’Assemblée Générale Ordinaire de la COSEGEF du 1er Novembre 2014, en son point 3 révèle que « relativement à l’Appel de Mama, la Conférence, à la majorité largement exprimée dénonce le caractère solitaire des initiateurs qui ont mis en mal la solidarité au sein des Secrétaires Généraux de fédération ; condamne dans le fond et la forme l’Appel de Mama parce qu’il porte en lui-même les germes de division et que le phénomène d’intoxication et de l’instrumentalisation du nom du Président Laurent Gbagbo sont de nature à créer des clans au sein du parti et à le fragiliser…. ». En conclusion (point 5) la Conférence « exprime sa solidarité et sa totale confiance à la Direction du Parti et l’exhorte à privilégier la négociation en vue de parvenir à un consensus autour d’une candidature avant le congrès afin que celui-ci soit une fête populaire ».

« L’Appel de 72 Secrétaires Généraux de fédération sur 106 au Président Laurent Gbagbo » rendu publique le 03 décembre 2014, a emboîté le pas au communiqué de la COSEGEF et fait l’observation suivante : « Monsieur le Président, nous pensons que vous auriez dû tenir compte de cette position exprimée par la majorité des Secrétaires Généraux de Fédération du Front Populaire Ivoirien ».

Le groupe s’interroge ensuite sur la manière dont le Président Gbagbo compte gérer le parti dans la situation dans laquelle il se trouve et se demande si ce dernier « n’a pas formé assez de cadres qui puissent valablement diriger le parti ».

Le groupe conclut en demandant au Président Gbagbo de « se mettre au-dessus de cette bataille interne en acceptant de retirer [sa] candidature au poste de président du parti et de lancer un appel à tous les militants à l’unité et à la cohésion pour un FPI fort et conquérant….. ».

En outre, et pour revenir à la lettre du Président Gbagbo, il est curieux que celui-ci fasse une adresse à des militants du FPI sur le papier à entête d’un notaire.

Par ailleurs, la « signature » supposée être celle du président Gbagbo est apposée en dessous de son nom, contre les usages établis que le président Gbagbo a toujours respectés.

La page de légalisation du document comporte quant à elle, de nombreuses fautes et incohérences :

Le notaire, un homme, (Robert Buurke) écrit « soussignée…» au féminin ; le document aurait-il été, en réalité, écrit par une femme ?

Le prénom du notaire est Robbert (2b) sur l’acte notarié alors qu’il se prénomme Robert (1 B) sur son site internet, sa page Facebook, twitter et LinkedIn ;

Alors que le notaire réside à Amstelveen, on constate qu’il a signé son acte à La Haye, alors qu’il n’y était pas lui-même, comme le mentionne le point (3) de son acte ;

Le point (4) de l’acte précise que le notaire n’était pas lui-même présent à la signature mais qu’on lui a déclaré que c’est le président Gbagbo qui a signé le document ;

Le notaire réside à Amstelveen, commune qui se trouve à environ 1 H 30 de route de La Haye. Pourquoi avoir recours à un notaire qui se trouve si loin de la CPI pour une simple légalisation de signature alors que les notaires abondent sur place à La Haye ?

La carte nationale d’identité présentée au notaire porte le numéro 96 0633000 403 ; ce qui signifie qu’il s’agit d’une carte d’identité ‘’verte’’ établie en 1996.

Sa date d’expiration devrait être 2006 et non le 14 juin 2000 comme mentionnée dans l’acte. La validité de la carte nationale d’identité étant de dix (10) ans.

Devant tant d’irrégularités, il m’a semblé indiqué de faire procéder à une expertise graphologique de la signature supposée être celle du président Gbagbo.

Les analyses graphologiques conduites par un cabinet de notoriété internationale, et opérées aux fins de déterminer si la signature relevée au bas du courrier du 25 novembre 2014 émane de la même main qu’un spécimen de signature du Président Laurent Gbagbo choisi aux fins de comparaison, ont révélé que les deux signatures n’ont pas été tracées par la même personne.

En effet, du point de vue des caractéristiques générales, l’expertise révèle les points suivants :

Signature du courrier du 25/11/2014 Spécimen de signature
01 Présence de fermeté moyenne Présence de fermeté
02 Absence de continuité Présence de continuité
03 Spontanéité moyenne Présence de Spontanéité
04 Présence d’élongation Absence d’élongation
05 Présence d’atrophie Absence d’atrophie
06 Présence d’angularité sur la ligne d’écriture Forme régulière épousant la ligne d’écriture
07 Présence de formes alphabétiques Présence de formes alphabétiques
08 Formes irrégulières Formes régulières
09 Vitesse d’exécution moyenne

(50 lettres à la minute)

Vitesses d’exécution moyenne (110 lettres à la minute)
10 Absence de maitrise gestuelle Présence de  maitrise gestuelle
11 Manque de sincérité Tracés sincères et affirmatifs

Du point de vue des valeurs dispositionnelles, c’est-à-dire de la manière dont les caractères sont disposés les uns par rapport aux autres, on note, comparativement au spécimen de signature :

Une élongation entre « b » et « l » ;

la verticalité de « l » ;

et l’atrophie du dernier feston.

L’examen des valeurs angulaires montre que la signature incriminée comporte des angles aigus au sommet A et sur la ligne d’écriture, alors que le spécimen de signature a des arrondis au point A et sur la ligne d’écriture.

On observe par ailleurs un éloignement de la tangence verbale (16e) en ce qui concerne la signature apposée au bas du courrier du 25 novembre 2014 alors que la signature habituelle du Président Laurent Gbagbo respecte la tangence verbale.

Ces différents examens aboutissent à la conclusion que la signature apposée au bas du courrier du 25 novembre 2014 et la signature du Président Laurent Gbagbo, spécimen de comparativité, n’ont pas été tracées par la même personne.

Sous la réserve que des investigations plus approfondies ne viennent l’infirmer, nous pouvons dire, au vu de tous les éléments que je viens d’évoquer, que ce courrier prêté au président Gbagbo est un faux, spécialement fabriqué par un réseau de faussaires pour servir la cause de ceux qui veulent accéder au pouvoir sans passer par l’onction des militants.

J’en suis scandalisé. Je ne peux le tolérer. Je combattrai avec la plus grande fermeté tous ceux qui useront du faux pour ternir l’image du parti, nuire à sa cohésion et alourdir le dossier du Président Gbagbo à la CPI.

 NOTRE POSITION

L’épreuve à laquelle je suis soumis depuis plusieurs mois est rude. Mais je tiens et je ne lâcherai pas. J’irai jusqu’au bout car sont en jeu, d’une part les valeurs fondamentales pour lesquelles je me suis engagé au FPI, et d’autre part l’avenir de notre pays.

Depuis plusieurs mois, je suis victime des pires calomnies, d’anathèmes et de propos orduriers, dans la presse et sur les réseaux sociaux ; mais je tiens, je ne lâcherai pas, j’irai jusqu’au bout car est en jeu notre capacité à faire prévaloir sur l’émotion, l’intelligence et le discernement de la raison. Le ressentiment et la volonté de vengeance ne doivent pas l’emporter sur le besoin de paix et de réconciliation nationale.

Je tiens, je ne lâcherai pas et j’irai jusqu’au bout car je veux ouvrir avec le FPI, une nouvelle espérance pour la Côte d’Ivoire.

Je tiens, je ne lâcherai pas et j’irai jusqu’au bout car je ne veux pas cautionner l’imposture et me soumettre au terrorisme des courants patrimonialistes et messianiques, courants de la régression, qui veulent prendre le parti en otage.

Je tiens, je ne lâcherai pas et j’irai jusqu’au bout car le FPI a besoin de modernité et de modernisation pour sortir de l’adolescence, vivre une vie adulte et incarner les aspirations du peuple de Côte d’Ivoire.

Je tiens, je ne lâcherai pas et j’irai jusqu’au bout car le président Laurent Gbagbo a besoin de moi pour recouvrer la liberté.

Ce combat, nous allons le gagner parce que nous devons le gagner. Il n’y a pas d’alternative pour le FPI en dehors de nous.

Une alternative, c’est un projet politique, une vision et des capacités politiques. «Patrimonialistes», « messianiques» et « opportunistes » sont un conglomérat, pas une capacité politique. « Gbagbo ou rien » est l’expression d’une douleur, un slogan, pas un projet politique.

C’est pourquoi je maintiens ma candidature à ma propre succession à la présidence du FPI. La retirer au profit du Président Laurent Gbagbo dont nous connaissons tous la situation, serait lâche, illogique et irresponsable.

En effet, c’est faire preuve de lâcheté que de démissionner pour se soustraire au devoir de solidarité et à l’obligation de lutter pour la libération du Président Gbagbo et de tous les prisonniers politiques.

Il serait illogique dans cette perspective que l’on demande au Président Laurent Gbagbo, détenu à la CPI, de prendre la direction de la lutte pour se libérer lui-même, libérer la Côte d’Ivoire et organiser depuis la prison la reconquête du pouvoir par le FPI.

N’est-ce pas faire preuve d’irresponsabilité que de cautionner un tel plan qui ne vise en définitive qu’à se débarrasser du président du FPI grâce au masque de Gbagbo pour installer quelqu’un d’autre à la tête du parti.

Je ne combats pas la candidature du Président Laurent Gbagbo à la présidence du FPI. Celui-ci n’est pas candidat et ne peut pas être candidat. Je combats l’imposture  et la forfaiture.

Dans ce combat, j’ai épuisé tous les moyens de convaincre les camarades de renoncer à instrumentaliser la candidature du Président Laurent Gbagbo à la présidence du FPI.

J’ai proposé un accord pour le report du congrès afin d’engager dans la sérénité des discussions sur les candidatures à la présidence du parti. Les nombreuses rencontres avec différents groupes d’interlocuteurs n’ont rien donné. Tous exigeaient une seule et unique chose : la tenue coûte que coûte du Congrès, le retrait pure et simple de ma candidature à la présidence du FPI.

Je ne pouvais l’accepter.

Les jours passaient et nous entrainaient inexorablement vers la voie de l’affrontement au Congrès.

En conséquence j’ai décidé d’ester en justice. Dans ce cadre, j’ai engagé trois actions en justice :

Une assignation en annulation partielle de la décision rendue par les membres du Comité de Contrôle le 25 Novembre 2014 ;

La saisine du Président du tribunal pour voir ordonner le report du Congrès en attendant la décision qui sera rendue sur la procédure relative à la décision du comité de contrôle ;

le dépôt d’une plainte contre inconnu pour faux et usage de faux, adressée au Procureur de la République relativement à la lettre sensée émaner du président Laurent Gbagbo.

Je l’ai fait à mon corps défendant ; je l’ai fait parce que je n’avais pas d’autre choix.

Je l’ai fait pour trois raisons :

Combattre la forfaiture, dénoncer l’imposture et défendre le droit ;

Protéger les intérêts vitaux du FPI et de ses militants ;

dénoncer l’instrumentalisation du nom du président Laurent Gbagbo et préserver les chances de sa libération.

Ce recours à la justice a ému une partie de l’opinion. Certains y ont vu un élément d’exacerbation de la crise. D’autres considèrent qu’il livre le parti et ses dirigeants à la « justice des vainqueurs » que nous dénonçons pourtant. Les uns et les autres, ont besoin de comprendre et d’être rassurés.

« La justice des vainqueurs », c’est l’instrumentalisation des magistrats et des lois de la République par les vainqueurs de la crise postélectorale, pour réprimer leurs adversaires politiques. Mais la justice est d’abord une Institution, un organe de l’Etat chargé de faire appliquer les lois de la République, d’assurer l’ordre social et la sécurité publique, et de réguler la vie politique, économique et sociale.

Sous ce rapport, la Justice s’impose à tous les citoyens, quelle que soit leur appréciation de sa qualité et de son fonctionnement.

Dénoncer « La justice des vainqueurs » n’est donc pas ostraciser, proscrire la justice dans notre vie, mais refuser son instrumentalisation, appeler le pouvoir politique à respecter son indépendance et à travailler à son amélioration d’une part, et interpeller les magistrats sur leurs responsabilités dans le développement du pays d’autre part.

Ester en justice n’est donc pas cautionner «la justice des vainqueurs», mais exercer un droit, demander qu’une violation de la loi soit sanctionnée pour dissuader les comportements déviationnistes, et que le préjudice subi soit réparé. C’est adhérer et appeler à l’Etat de droit, demeurer dans la loi pour ne pas être hors la loi.

Le fait de critiquer la justice ne veut pas dire qu’on la rejette. Nous critiquons le gouvernement, mais il est le gouvernement de la République. Nous critiquons le Maire, mais il est le Maire de la ville. Nous critiquons le député, nous n’avons peut-être pas voté pour lui, nous souhaitons même qu’il parte, mais tant qu’il est là, il est le député de tous les habitants de la circonscription. Donc le fait de critiquer une Institution ne veut pas dire qu’on la rejette et qu’on ne portera jamais devant elle aucune affaire. La critique est une chose et l’obligation citoyenne vis-à-vis d’une Institution en est une autre.

Sur le fond il est bon de savoir, pour comprendre les raisons de l’option judiciaire dans le règlement de cette crise des candidatures à la présidence du FPI, que le Comité de Contrôle du FPI dispose de deux types de compétences :

des compétences de contrôle fixées par l’article 45 des statuts qui stipule que « le Comité de Contrôle vérifie la conformité des actes des organes du parti avec les textes fondamentaux »; dans ce cadre, le Comité de Contrôle émet des avis, et le cas échéant, peut demander la convocation d’un Comité de Central extraordinaire, sans que ces avis aient un caractère suspensif (articles 47 des statuts et 29 du règlement intérieur).

des compétences particulières en matière électorale fixées par l’article 18 alinéa 9 du règlement intérieur qui dispose que « les candidatures au poste de Président du Parti sont reçues par le Comité de Contrôle quarante-cinq (45) jours, avant la date des élections et publiées dans les Fédérations dix (10) jours avant lesdites élections».

En l’occurrence, cette disposition a été complétée et précisée, d’une part, par le bureau du Congrès qui a fixé, en concertation avec le Comité de Contrôle, la composition du dossier de candidature à la présidence du parti, et d’autre part, par une décision du Comité de Contrôle lui-même qui a fixé le calendrier du processus électoral, notamment la date limite de dépôt des candidatures, la période d’examen des candidatures, la date de publication de la liste provisoire des candidatures retenues, la période des réclamations et la date de publication de la liste définitive. De sorte qu’il apparaît clairement que s’agissant de l’élection du Président du FPI, le Comité de Contrôle s’est arrogé tous les pouvoirs de validation des candidatures.

Or, dans ce cadre, j’ai respecté et épuisé la procédure interne. Le Comité de Contrôle a rejeté les réclamations que j’ai formulées après la publication de la liste provisoire. Il a confirmé sa première décision au mépris des dispositions pertinentes des statuts et du règlement intérieur que j’ai invoquées.

Il n’y avait plus de recours devant une instance interne, d’autant que ce contentieux avait engendré et continue d’entretenir une atmosphère délétère au sein du parti et autour des deux candidatures.

Pendant que je conteste la validité de la pseudo-candidature du Président Laurent Gbagbo, sur des bases juridiques, mais aussi politiques, mes adversaires me harcèlent pour que je retire purement et simplement ma candidature. J’ai proposé à mes adversaires le report du Congrès afin de pouvoir examiner et résoudre dans la sérénité cette question de candidatures. Mes interlocuteurs ont refusé. Tous exigent la tenue coûte que coûte du Congrès et le retrait de ma candidature. Ce que je ne pouvais accepter. Les jours passaient et nous entraînaient inexorablement vers l’affrontement au Congrès. J’ai pris mes responsabilités, j’ai décidé de faire appel à la justice pour éviter le chaos et espérer trouver une solution apaisée à ce contentieux.

Le Président Gbagbo n’a rien à voir avec ce procès qui résulte de nos palabres internes. L’action que j’ai engagée vise à l’annulation d’une décision du Comité de Contrôle. Le comité de Contrôle a commis une forfaiture, c’est-à-dire qu’il a pris une décision sans tenir compte des textes, mais juste pour aider des camarades dont il partage le combat et qui ont besoin de la candidature du Président Gbagbo pour éliminer un adversaire qu’ils craignent d’affronter. Le Président Gbagbo n’est donc pas concerné par mon action.

Le procès en question n’oppose pas le Président du FPI à des militants du parti, mais d’abord Pascal Affi N’Guessan, candidat à l’élection du Président du FPI, au Comité de Contrôle, organe du FPI ayant eu la compétence exclusive de recevoir, d’examiner, de valider les candidatures, et de traiter les réclamations.

Le Président Pascal Affi N’Guessan et le candidat Pascal Affi N’Guessan sont deux personnes juridiques différentes. Le candidat Pascal Affi N’Guessan est un militant comme tout autre, et ce conflit aurait pu opposer n’importe quel cadre du parti au Comité de Contrôle.

S’il considère qu’une décision d’un organe de son parti lèse ses intérêts, c’est son droit de saisir la justice pour les défendre. C’est cela l’Etat de droit. Il a ses principes, dont le principe de légalité, c’est-à-dire de conformité des décisions des personnes juridiques, individus ou organisations, aux règles juridiques.

L’absolutisme et l’arrogance du Comité de Contrôle étaient devenus insupportables et extrêmement nocifs. Ses membres se croyaient tout permis. Il était important de les rappeler à la réalité du principe de légalité et de la hiérarchie des normes, qui fondent l’Etat de droit.

Au demeurant, le Président du parti a le devoir de faire respecter les textes du parti. Il a le droit de recourir à la justice si les circonstances l’exigent.

Par ailleurs, si le Président Gbagbo était véritablement intéressé de reprendre la présidence du FPI, pense-t-on sérieusement qu’il aurait emprunté cette voie, celle de « l’appel de Mama » par quatre (4) fédéraux et d’un dossier de candidature contestable ?

Le Président Gbagbo sait à qui il a confié le parti en 2001. Il sait que ce parti a une Direction composée de compagnons de longue date, toujours prêts à l’accompagner dans le combat pour les libertés, la démocratie et la refondation de la Côte d’Ivoire. Pourquoi les initiateurs de « l’appel de Mama » n’ont-ils pas saisi la Direction du parti pour lui faire porter cette proposition de candidature ? Comment se fait-il que celle-ci soit principalement l’affaire de tous ceux qui combattent le Président du parti depuis sa sortie de prison en août 2013 ?

Au surplus, en plusieurs occasions, le Président Gbagbo a affirmé que « quand on a été grand, on doit faire l’effort de le rester ». C’est pourquoi il ne se voyait pas en train de se ‘’battre’’ avec AFFI pour la présidence du FPI, après le parcours politique qui est le sien.

Tout le monde sait également qu’il a toujours dit « qu’on ne dirige pas un parti politique à partir de la prison ». On peut enfin se poser la question de savoir pourquoi maintenant, et pas en 2012 par exemple où le parti avait une Direction intérimaire et cherchait ses marques.

Autant d’éléments pour dire que le Président Gbagbo n’est pas concerné par « l’appel de Mama » et qu’il s’agit véritablement d’une imposture que le Comité de Contrôle a tenté d’avaliser par une forfaiture. Elles devaient être sanctionnées par la loi et elles l’ont été. La vérité est sauve.

Poursuivant dans la logique de manipulation de l’opinion et de diabolisation du Président du parti, mes adversaires parlent d’ingratitude, comme s’il s’agissait d’une affaire personnelle.

Ce mot n’a pas de signification en politique, c’est-à-dire dans la gestion des affaires publiques, dans la gestion de l’Etat. Dans ce domaine, les règles, les lois, les principes, dont le principe de nécessité, transcendent les sentiments personnels. En conséquence, les décisions doivent être fondées sur des critères objectifs. C’est au nom de ces critères objectifs qu’en plusieurs circonstances, le Président Gbagbo m’a fait confiance et m’a confié d’importantes responsabilités. Il l’a fait non par complaisance, mais par intérêt, par nécessité politiques. J’ai quitté ces responsabilités quand d’autres nécessités plus grandes et d’autres critères objectifs se sont imposés. La générosité et l’ingratitude n’ont rien à voir dans ces affaires.

Un autre non-sens est l’idée selon laquelle le Président Laurent Gbagbo a besoin de la présidence du FPI pour organiser sa libération.

C’est du dehors qu’on organise la libération d’un détenu. Gbagbo ne peut pas organiser lui-même sa propre libération. Ce n’est ni le titre, ni la notoriété qui libèrent ; sinon il ne serait pas en détention à l’heure actuelle, et Jean-Pierre Bemba serait libre depuis 2011. C’est l’action de ceux qui jouissent d’une liberté d’action qui permet d’obtenir la libération de ceux qui sont privés de liberté. Lorsque le lion, roi des animaux est pris dans un filet de chasse, il est obligé de faire un marché avec le rat. Pour dire que l’on a toujours besoin d’un plus petit que soi.

CONCLUSION

Au total, l’enjeu de cette crise interne, c’est l’avenir du FPI, intimement lié à la réponse que les militants vont donner à la question du choix entre « Gbagbo ou rien » et « Gbagbo et nous ». 

Je salue et remercie du fond du cœur toutes celles et tous ceux qui, en Côte d’Ivoire et à l’étranger, nous ont apporté leurs soutiens et leurs encouragements durant ces pénibles mois de méchanceté.

Je dis infiniment merci à tous ces internautes qui, sans nous connaitre, ont quand même pris parti pour nous défendre sur les réseaux sociaux.

Je n’oublie pas ma direction de campagne, les Secrétaires nationaux du FPI, les Secrétaires généraux de Fédération et de Section, les simples militants et tous ceux qui croient en notre combat.

La crise n’est pas finie. La lutte continue. Nous vaincrons !

PASCAL AFFI NGUESSAN

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