Côte d’Ivoire : comment penser l’alternance du pouvoir au sein du RHDP pour 2020 ?

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Faut-il penser l’alternance du pouvoir au sein du RHDP en termes de priorité partisane ou en termes de continuité politique du modèle Houphouëtiste de la Nation et de l’Etat ? Compte tenu de la situation historique spécifique de notre pays aujourd’hui, n’est-il pas plus rationnel politiquement d’y concevoir l’alternance des deux partis houphouëtistes en termes d’alliance modulée entre des partenaires idéologiques aux programmes et projets sociétaux complémentaires ? L’objectif ultime de l’appel de Daoukro ne fut-il pas d’édifier un front républicain pérenne contre l’ethno-nationalisme et le national-populisme qui, sous des masques divers, menacent à tout moment de dévoyer l’houphouëtisme, d’en pervertir l’esprit et, de ce fait, de désintégrer notre pays, la Côte d’Ivoire ? Ce danger est en effet présent et patent. Dans la recomposition en cours du paysage politique ivoirien, une nouvelle coalition, entre le RDR et l’aile démocratique et citoyenne du PDCI, constitue l’une des voies à explorer afin de sauvegarder l’idée de la Côte d’Ivoire telle que la construisit Félix Houphouët-Boigny, le père de la Nation, en 1960. L’houphouëtisme, qui définit le régime politique ivoirien comme démocratie libérale et républicaine, est normatif face aux extrémismes. Il devrait être le fil directeur des différentes recompositions partisanes qu’impose le cours de l’histoire. L’alliance politique entre le PDCI et le RDR, en 2010, eut pour objectif de réinstaller cette idée normative dans la temporalité politique de la Côte d’Ivoire après la césure identitaire qui nous en avait éloignés entre 2000 et 2010. La coalition RHDP formalisa institutionnellement cette alliance à travers l’appel de Daoukro le 17 septembre 2014. La coalition RHDP s’est donc constituée en tant que front républicain contre l’ethno-nationalisme et le populisme, fléaux des temps modernes engendrés par la face sombre de la deuxième mondialisation, caractérisée par la financiarisation de l’économie. Pour mémoire, ne convient-il pas de rappeler que la première mondialisation, caractérisée par l’industrialisation des économies dans les années 1800, vit la montée des nationalismes, des protectionnismes et leur conclusion fatale dans les impérialismes et les fascismes dont procédèrent la colonisation et finalement la Seconde Guerre mondiale ? Le contexte historique de la démocratie ivoirienne est marqué par les tensions entre la République et les poussées populistes et nationalistes qui menacent à tout moment de briser l’alliance entre les identités et la rationalité constitutive de la Nation ivoirienne. La victoire du nationalisme identitaire et du populisme en 2000 et la guerre civile de 2010 qui en résulta, provinrent de cette rupture dont il faut désormais préserver durablement la Côte d’Ivoire. L’alternance du pouvoir en 2020 devrait pour cela se concevoir dans le cadre de la coalition, et selon le modèle houphouëtiste du nationalisme modernisateur. Il s’agit d’assurer, au fil des temporalités électorales, l’alliance entre les cultures et la modernisation économique à travers un ticket libéral entre nationalistes démocrates du PDCI et modernistes républicains du RDR. La Côte d’Ivoire est, depuis 2010, dirigée par ce modèle gouvernemental houphouëtiste que scella l’appel de Daoukro. Il s’agit d’en assurer la continuité. La question immédiate n’est pas celle de la candidature et du partage des dépouilles du pouvoir. En démocratie, ces deux questions n’ont de sens que référées à la question des programmes et des projets de société dont elles sont les moyens opérationnels. L’alternance du pouvoir au sein du RHDP ne devrait donc pas être conçue en termes de priorité partisane. Elle devrait être pensée comme alliance modulée de gouvernement entre deux partenaires idéologiques aux programmes et aux projets sociétaux complémentaires. C’est la formule du ticket gouvernemental entre le PDCI et le RDR qui schématise rationnellement l’alternance démocratique du pouvoir au sein de la coalition houphouëtiste. La voie de la priorité partisane est une voie de perdition dans le contexte historique de la Côte d’Ivoire menacée par l’ethno-nationalisme et le national populisme. La scission interne du PDCI, entre une aile ethno-nationaliste et une aile pro-République, confirme ce danger. Le PDCI est écartelé entre une aile identitaire qui pense la nationalité en termes d’autochtonie, le parti et le pouvoir en termes d’héritage et de trône, et une aile républicaine qui les pensent en termes de citoyenneté, de médiations institutionnelles du service de la généralité des intérêts sociaux nationaux. Lors de la précédente présidentielle 2015, cette aile identitaire s’était retrouvée au sein de la CNC dans l’opposition au programme libéral et républicain du gouvernement. La voie de la priorité partisane est son cheval de Troie en cette nouvelle présidentielle 2020. La conception de l’alternance, comme ticket démocratique et républicain, permet de conjurer cette menace et de garantir l’houphouëtisme, expression ivoirienne de la conception démocratique de la Nation et de l’Etat. Il importe alors de recentrer le débat politique de la présidentielle 2020 sur la thématique de la complémentarité, des identités et des programmes partisans au sein des partis prenantes de la coalition RHDP. La personnalisation du débat est préjudiciable à cette vision démocratique houphouëtiste de l’alternance. Elle camoufle et légitime, tel un manteau commode, les ambitions personnelles et les intérêts particuliers qui lui sont antinomiques et qui menacent le bien commun de la Côte d’Ivoire.

Dr Alexis Dieth

Professeur de philosophie

Auteur : Dr Alexis Dieth

Source : Cedea.net

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