Reconstruire le civisme républicain et la fraternité démocratique en Côte d’Ivoire.

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Nous devons reconstruire, contre les antivaleurs du communautarisme défensif et du national-populisme, le civisme républicain et la fraternité démocratique, en Côte d’Ivoire. Dans les fissures causées en notre cité par la manipulation de la Loi fondamentale dans les années 1995, nous avons perdu le sentiment de commune appartenance qui nous réunit, dans la conscience de la fraternité et de la similitude, par-delà nos différences.

 Ce bien plus que précieux, qu’avait patiemment bâti Félix Houphouët-Boigny  le Père de la Nation au fil des décennies, et que la postérité avait vocation à consolider dans la démocratie multi-partisane, fut brisé par le communautarisme défensif et le national-populisme au milieu des années 1990. Dès cette époque de l’histoire de notre pays, ces deux modèles constituèrent, de manière informelle,  un axe politique  en vue de confisquer le pouvoir d’Etat pour reconfigurer notre société selon le modèle de l’homogénéité communautaire. Nous avons été intérieurement divisés par ces modèles politiques qui étaient aux antipodes  du modèle Houphouëtiste de la société et de la nation.

Notre pays a été bâti au rythme de la répétition pédagogique de thèmes civiques et moraux qui tenaient lieu de pensée du jour, et structuraient activement, en nos consciences, la vision de notre pays comme société  d’inclusion d’un peuple diversifié. Une politique d’intégration nationale, incarnée par le parti-Etat PDCI-RDA, donnait corps au principe  de citoyenneté qui nous rassemblait dans la confraternité.

Refuser de faire couler le sang du concitoyen, respecter la vie et la dignité humaine, être solidaire, répondre d’autrui, accueillir l’étranger, réussir personnellement par le travail, la maîtrise de la science et de la technique, respecter le bien commun : ces maîtres-mots définissent l’identité nationale de notre pays. Cette identité est structurée par l’hétérogénéité, la coexistence et l’interaction des différences, qu’articule la notion de dialogue.

Au principe d’hétérogénéité inhérent à la vision houphouëtiste de la Côte d’Ivoire, les régimes communautaristes et nationaux-populistes ont substitué, dans les années 1995, le principe d’homogénéité communautaire et de classe. Désireux de détruire l’hétérogénéité originelle de la société ivoirienne et de l’homogénéiser selon le modèle de l’autochtonie afin d’en éliminer la diversité, ils ont installé la brutalité dans la société ivoirienne en 2000, et fait couler abondamment des flots de sang humain en vue de réaliser ce programme. Ils ont instrumentalisé les identités ethniques et les confessions religieuses pour couvrir le programme de la barbarie.

Aux principes de fraternité et de reconnaissance réciproque des altérités, ils ont substitué les principes d’hostilité et de rejet de l’altérité. Ils ont enseigné la guerre au lieu de promouvoir la paix entre les peuples. Ils ont inauguré en Côte d’Ivoire l’assassinat politique dès leur accession au pouvoir en l’an 2000, installé le terrorisme d’Etat et institué une culture du mépris de la vie et de la dignité humaine. Ils ont piétiné le savoir et la science en diffusant massivement l’ignorance à travers un programme systématique d’intoxication mentale et de crétinisation publique par médias interposés.

Au principe démocratique et républicain de responsabilité, ils ont substitué le principe totalitaire d’irresponsabilité, comme en témoigne le refus par les pontes du régime d’assumer la moindre des responsabilités dans les crimes qui furent commis sous leur gouvernance, aussi bien durant la guerre civile que durant les dix années du régime.

 Ils ont réactivé la pensée magique en Côte d’Ivoire, au détriment de la pensée rationnelle, et piétiné la Science. La dérive signifiante de certaines fractions de l’intelligentsia universitaire, qui migrèrent vers la politique pour mettre en forme le mythe populiste et ethno-nationaliste, ainsi que la brutalisation de la vie estudiantine, furent les épisodes symboliquement signifiants de l’ensauvagement de notre cité.

Après une décennie d’un règne calamiteux et sanglant, durant lequel ces modèles antidémocratiques s’évertuèrent à déraciner la vision Houphouëtiste de la société ivoirienne, leurs antivaleurs ont structuré durablement la vision du monde de générations entières d’Ivoiriens. Il n’est pas déraisonnable de penser que les actes de barbarie débridée, et les incivismes qui continuent de marquer notre présent en dépit des efforts des pouvoirs publics, relèvent en grande partie de la rémanence des séquelles traumatiques de la crise de notre République et de la guerre civile qui en résulta.

Il faut y faire face en réactivant la mémoire de notre identité politique nationale. Notre problématique politique contemporaine, sous le régime de la démocratie républicaine multi-partisane, est de revivifier la mémoire des principes archétypaux de l’Houphouëtisme qui définissent la structure formelle normative de notre cité. Garder en mémoire cette structure formelle comme principe d’orientation politique est la condition de l’historicité de notre cité, c’est-à-dire de sa capacité à se transformer dans le temps en conservant son identité politique originelle.

A cette fin, les démocrates ivoiriens, le peuple majoritaire et les acteurs politiques qui les représentent, doivent avoir conscience que les adversaires qu’ils combattent sont loin d’être des démocrates. Porteurs des modèles anti-houphouëtistes qui brisèrent la Nation, ces adversaires se situent du côté du populisme et du communautarisme. Les démocrates ivoiriens devraient avoir bien en vue cette réalité historique concrète qui leur impose un devoir d’exemplarité. Ils se doivent de matérialiser au quotidien, dans les actes et dans les paroles, les valeurs de la démocratie républicaine dont l’houphouëtisme est l’incarnation politique et idéologique en notre pays.

De ce point de vue, face à la coalition antidémocratique communautariste et national-populiste qui semble se dessiner à l’horizon, dans la continuité de la CNC de 2015, une nouvelle coalition démocratique et républicaine, éclairée par l’esprit de l’Houphouëtisme apparaît comme un impératif catégorique politique en Côte d’Ivoire. (cf. « Pour une nouvelle coalition politique éclairée par l’esprit de l’Houphouëtisme ». cedea.net. 10 février 2018).

Dr Alexis Dieth

Professeur de philosophie

Cedea.net

Auteur : Dr Alexis Dieth

Source : Cedea.net

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