RHDP/PDCI : divorce consommé ?

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A youg man poses with posters of Ivory Coast President Alassane Ouattara and Ivory Coast's former President Henri Konan Bedie (left on the poster at right), leader of the Democratic Party of Ivory Coast (PDCI) on April 25, 2015, on the way to Felix Houphouet Boigny stadium, in Abidjan, prior to the investiture meeting of "the Rally of Houphouetists for Democracy and Peace" (RHDP) six months ahead of the presidential elections. President Alassane Ouattara, 73, who runs for his re-election, was officially named last March as the Rally of Republicans (RDR) ruling party's presidential candidate. AFP PHOTO/ SIA KAMBOU (Photo credit should read SIA KAMBOU/AFP/Getty Images)

A-t-on atteint le point de rupture et de non-retour entre les alliés du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) ? Difficile de le dire pour qui connaît les présidents Ouattara et Bédié, qui ont plus d’un tour dans leur chapeau et qui ont toujours surpris partisans, laudateurs et observateurs. Dans leurs actes et discours, si chacun prend soin de ne pas écorcher l’autre, difficile également de dire qui des deux détient les meilleures cartes et peut mener la danse. Une chose est cependant sûre : la configuration de la salle des congrès de l’Hôtel Ivoire, le 16 juillet, aux couleurs dominantes du RDR, sous les regards à la fois proches et lointains de son principal allié, le PDCI, est un coup de massue pour ces deux partis.

Après son bureau politique du 17 juin, il n’y avait plus de doute sur l’absence du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) à l’Assemblée générale constitutive du parti unifié, le Rassemblement des houphouëtistes pour la paix et démocratie (RHDP). Dans la salle du Palais des congrès de l’Hôtel Ivoire, le 16 juillet, les chansons en hommage au Président Houphouët tonnaient, mais au rythme d’un Alassane Ouattara désigné Président du nouveau parti. Quelques jours auparavant, Henri Konan Bédié, qui avait fait connaitre son mécontentement pour n’avoir pas été consulté lors de la formation du gouvernement, avait, selon une source proche, protesté auprès d’Henriette Dagri Diabaté contre le fait que son titre de « Président de la Conférence des Présidents du RHDP ne soit pas mentionné sur le courrier à lui destiné ». Une négligence très vite rattrapée, qui a sûrement amené le « Sphinx de Daoukro » à envoyer trois représentants, à titre « d’observateurs », tout en affirmant « le PDCI n’est pas concerné par cette assemblée ». Mais le choix de ces derniers ne s’est pas fait au hasard. Charles Koffi Diby, Patrick Achi et Siandou Fofana font partie des pro RHDP du PDCI. En les désignant, Bédié a évité de créer encore plus de confusion au sein de sa famille politique. De l’autre côté, son message a été bien reçu. Résultat, en dehors de Kobenan Adjoumani, du courant « Sur les traces d’Houphouët », vêtu des couleurs du plus houphouëtistes des membres du RHDP, les autres cadres ont préféré se présenter en costume et sous d’autres étiquettes. Daniel Kablan Ducan au titre de la Vice-présidence, Jeannot Ahoussou Kouadio au titre du Sénat et Ahoua N’doli au titre de l’Inspection générale d’État.

Rupture ? Si après leur dernière rencontre, qui remonte au mois de mai dernier, les deux hommes forts du RHDP ne se sont parlé que par personnes interposées, chacun d’eux espérait faire plier l’autre. Le rapport de force n’a visiblement pas penché pour un camp. Dans les correspondances, chacun fait l’effort de ne pas froisser l’autre, tout en refusant de lâcher du lest. Nul ne veut franchir en premier la ligne rouge, mais chacun pousse l’autre vers la rupture. L’ombre de Bédié a longtemps plané sur la cérémonie et ce n’est pas le refrain de la chanteuse gabonaise Angèle Assélé « Associé, tu m’as déçu » qui a accompagné les pas du Président du RHDP, soulevant des rires et des applaudissements et faisant danser les nostalgiques, qui pouvait la faire disparaitre. D’ailleurs, et comme pour bien faire les choses, une motion a été soigneusement rédigée afin de demander « au Président du RHDP de poursuivre le dialogue avec le Président Henri Konan Bédié ». Elle n’est pas passée inaperçue et, comme s’il voulait prendre la salle à témoin, le Président du RHDP lancera quelques instants après « nous sommes les enfants de Félix Houphouët-Boigny. Nous devons rester ensemble et préparer l’élection présidentielle de 2020. Nous ne devons pas accepter de nous laisser diviser. Mon aîné, le Président Bédié, et moi savons ce que nos incompréhensions ont coûté à la Côte d’Ivoire. Cela ne doit plus se reproduire ». Vœu pieu ou véritable volonté de maintenir les liens ? L’avenir nous situera et les réactions prochaines de Bédié, retranché à Daoukro, mais ouvrant ses portes aux consultations, sont très attendues.

En embuscade Malgré les 13 ans de vie de la coalition RHDP, le Front populaire ivoirien (FPI) est convaincu que cette alliance, qui avait selon lui pour unique objet « de battre Laurent Gbagbo », ne tient plus et est « une alliance de dupes. » Pascal Affi N’guessan, qui relaie sans cesse cette thèse, attend patiemment que les choses se brouillent davantage entre les deux alliés afin de jouer cartes sur table avec Bédié. « Pour l’instant, les contacts ne sont que physique et politique. Nous échangeons, mais pour l’heure le PDCI est dans une alliance », prévient-il, tout en espérant la rupture afin de pouvoir créer une autre alliance. De sources proches de lui, ce n’est pas la volonté des cadres et militants des deux partis qui manque « Il y a eu beaucoup plus de rapprochements que vous ne pouvez l’imaginez. Les cadres des deux partis se parlent presque tous les jours et la surprise pourrait arriver plus tôt que prévu », prévient l’un des cadres du FPI, qui confie avoir participé à certaines rencontres. Coup de bluff ou réalité ? L’entourage de Bédié est muet sur la question, affirmant qu’il est un peu trop tôt pour se prononcer. « On ne quitte pas une union pour une autre si tôt », caricature l’un des visiteurs nocturnes de Bédié, selon lequel « beaucoup de choses se disent, mais peu sont vraies ». En allant à son congrès, fin juillet, le FPI pourrait bien débattre de la question d’une alliance avec le PDCI.

Reconfiguration Le paysage politique, selon le politologue Sylvain N’guessan, présente tous les ingrédients pour être redéfini. Tous les partis politiques, ou presque, connaissent un bicéphalisme ou sont traversés par des courants contradictoires. Le RHDP, qui veut réunir le plus grand nombre de partis, est né avec une partie du PDCI, une du RDR, une du MFA, une du PIT et une de l’UPCI. L’opposition, après plusieurs tentatives de regroupement, reste profondément divisée. « Tous les partis fonctionnent en dual sim (double carte) » lance ironiquement un observateur ivoirien. « Tout en restant profondément divisé à l’interne, chaque camp espère faire une union ailleurs. Ceux qui dénoncent un jeu de dupes au RHDP veulent aller vers un autre jeu de dupes et ceux qui prônent la paix ne posent pas assez d’actes dans ce sens », commente-t-il, avant d’ajouter « tout est à refaire. Mais il faut assez de courage politique dans chaque camp et chez tous les leaders ». Ce ne sont pourtant pas les volontés qui manquent. Chacun estime que le brouillard n’est pas assez épais pour se lancer. « Nous n’envisageons pas la création d’un parti politique, car, pour nous, il y en a déjà trop. Notre certitude est qu’en 2020, ou à partir de cette date, les choses se feront toute seules et qu’il n’y aura pas forcément, besoin d’un parti pour se hisser à la magistrature suprême », pense un proche de Guillaume Soro. En mission au Canada, le Président du Parlement garde ses distances dans « la bataille du RHDP », tout en prônant un rapprochement entre les deux principaux alliés. Selon plusieurs observateurs, les élections locales à venir donneront plus de lisibilité à l’espace politique.

« De nombreuses alliances pourront être tissées. Même les plus inimaginables. Les indépendants seront les arbitres et les résultats seront un signe de la nouvelle carte politique qui se dessine en filigrane », lance Firmin Kouakou, politologue. En attendant, la bataille se poursuit au sein du RHDP sur la question de l’alternance et le nom du candidat à la prochaine élection. Toute l’opposition semble figée et attendre une rupture définitive avant de se bouger, faisant fi de son potentiel actuel et de tous ceux que le parti unifié a laissé au bord du chemin.

Auteur : Aboubakar Ouakaltio Ouattara

Source : Le Journal d’Abidjan

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