Comment Bédié a fait basculer le PDCI dans l’opposition

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L’histoire retiendra que Henri Konan Bédié n’aura rien retenu de sa déconfiture lorsqu’il était président de la république.  Celui-là même qui fut déchu par les jeunes gens un soir de décembre 1999 n’a pas encore dit son dernier mot.

Chacun commence à comprendre véritablement ce qu’il y avait derrière l’Appel de Daoukro lancé par Bédié en 2014. Esprit de sacrifice ? Renoncement à la politique politicienne au profit de l’intérêt général et de la démocratie ? Certains ont parlé d’une promesse d’alternance au profit du PDCI en 2020. Tout cela est loin d’une réalité qui éclate aujourd’hui au grand jour : l’Appel de Daoukro a été, pour Bédié, une manière de préparer sa propre candidature UNIQUE en 2020 et de prendre ainsi une revanche sur l’histoire, après deux mises à l’écart successives, en 1999 et en 2010.

Bédié peut-il resté assis à Daoukro en fumant des cigares et en regardant passer l’Histoire. Evidemment, non. Fin stratège, fin politique, Bédié a patiemment créé les conditions de sa propre candidature en 2020.  Il savait qu’il lui fallait attendre. Mais, attendre ne signifie pas rester sans agir. Alors que certains l’accusaient d’avoir sacrifié le PDCI sur l’autel du RHDP, Bédié apparaît plus que jamais comme étant l’homme fort d’un PDCI anti-RHDP, d’un PDCI qu’il est train de faire basculer dans l’opposition, d’un PDCI enthousiaste à l’idée d’aller à l’affrontement avec le RDR.

Au moment où Ouattara annonce que le moment est venu de laisser la place à une nouvelle génération, Bédié affirme ses prétentions à être candidat en 2020. Un signe qui ne trompe pas, Billon, un « anti parti unifié-RHDP », va saluer madame Gbagbo aujourd’hui, car il faut, dès à présent, nouer de nouvelles alliances. L’ex ministre du commerce de Ouattara aurait en privé déjà énoncé l’idée d’aller aux présidentielles de 2020 en indépendant. La cause ? Bédié ne lui ferait jamais cette passe, lui qui croyait que le facteur jeunesse serait son avocat auprès du sphinx de Daoukro.

Comment Bédié a-t-il maintenu dans cette situation où personne ne brille, où aucun membre ne devient influent au point de lui ravir son leadership jalousement conservé ? voila pour vous la petite leçon de stratégie venue des officines de Daoukro.  

Pour être candidat, Bédié a tout fait pour que personne, depuis 2010, n’incarne le leadership au Pdci. En 2012, Bédié avait organisé la coupure des ailes à Ahoussou alors Premier Ministre auprès de Ouattara. On se souvient que Bédié avait actionné les députés Pdci pour dire NON à la loi sur la famille. Or, cette loi est ensuite passée comme une lettre à la poste. Une crise qui avait surpris plus d’un tant cela dénotait d’un sabotage de l’action gouvernementale. La conséquence directe avait été le renvoi de Ahoussou de la primature au profit de Daniel Kablan Duncan, plus proche du président et qui connait mieux ses méthodes de travail. La dissolution du gouvernement Ahoussou venait ainsi d’enterrer Me Ahoussou Jeannot qui lui se voyait dans les souliers de N’zueba au cas où le vieux passerait le flambeau à du sang neuf. C’était mal connaitre Bédié qui avait réussi, en provoquant le renvoi de Ahoussou Jeannot, à mettre dans l’esprit des gens qu’Ahoussou était un PM incompétent. Ahoussou s’est trouvé ainsi écarté de la course à la présidence pour 2020. Aujourd’hui, le RDR est sans doute prêt à accepter une candidature Ahoussou au sein d’une primaire « parti unifié-RHDP ». Mais, il n’est pas question de « primaire » pour Bédié, qui avait décidé dès 2014, au moment de l’Appel de Daoukro, d’être candidat en 2020.

Le drame est qu’en fin stratège, Bédié avait réussi à utiliser le RDR et l’appareil de l’état à travers ces acteurs principaux pour assouvir sa besogne. De 2010 à aujourd’hui, l’objectif était de tuer toute envie de leadership prononcé au sein de l’appareil politique qu’est le PDCI. Djedje Mady est ainsi une victime de ce plan ourdi depuis les champs de Bédié. On se souvient, l’ex secrétaire général du PDCI avait osé prononcer le mot qui fâche : la révèle de Bédié. La rivalité entre les deux hommes pour pêché de lèse-majesté a été seulement tranchée au cours du congrès de 2015 où Henri Konan Bédié s’est vu confier les rênes du parti une fois de plus. Croyant bien faire, et heureux de ce cadeau « empoissonné » de la candidature unique, en 2015, les responsables du RDR avaient accordé un cheque blanc de confiance à Henri Konan Bédié. Le RDR, sans qu’il s’en rendre compte, enivré par le cadeau de la « candidature unique » en 2015, a participé malgré lui à affaiblir tous ceux qui pouvaient incarner la relève au PDCI, de Ahoussou à Diby, un ministre des Finances devenu trop puissant et qu’il fallait faire voyager aux Affaires étrangères, mais aussi les Kkb, les Banny, présentés comme des dissidents.  Tous ceux qui pouvaient faire de l’ombre à Bédié ont été « écrasés ». Banny a dit un jour : « Du jour au lendemain, j’ai été victime de leur réconciliation (…). Ouattara n’avait plus d’yeux que pour Bédié ». Recevoir Banny ou Kkb n’était même plus possible, parce qu’il y avait Bédié.

En fin stratège, Bédié a isolé au sein du PDCI ceux qui voulaient l’isoler en créant le courant « Sur les traces d’Houphouët-Boigny », en restant au gouvernement ou en y entrant.

Le sphinx de Daoukro n’a pas seulement « lutté » les jeunes loups de son parti. Dans sa volonté d’être candidat unique du RHDP sans forcement en être le meilleur comme le suggère Ouattara, Bédié, futé, avait déjà mis en place un plan pour « descendre », les chefs de parti qui pourraient l’empêcher de revenir au pouvoir en 2020. Il se charge personnellement de pourrir les relations entre Anaky Kobenan et Ouattara par ricochet entre le MFA et le RDR alors qu’il est su de tous que l’idée du parti unique était fortement défendue et partagée par l’ex-ami de Laurent Gbagbo. Anaky Kobenan avait trouvé en l’attitude de Bédié une incohérence lorsque celui-ci n’avait pas pu cacher son agacement à chaque évocation de l’idée d’unifier les Houphouetistes.

La dernière grosse victime de Bédié dans son plan d’être la « nouvelle génération » qui devrait conduire le pays vers le progrès n’est rien d’autre que le Dr Albert Mabri Toikeusse et l’UDPCI. Bédié avait réussi à éloigner un allié pourtant sûr de Ouattara de la gestion des affaires. Le malheur de Mabri avait été de déclarer en public, à chaque occasion, de façon ferme ses intentions pour 2020. Chose qui empêchait le sphinx de fermer l’œil. Espérons seulement que son dernier ami en date, qu’il qualifie de poulain, qui n’est autre que Guillaume Soro, comprenne que toutes liqueurs et le vin partagés ensemble à Daoukro comme à Paris n’obéissent qu’à la même logique d’endiguer toutes ambitions de prendre le pouvoir en Côte d’Ivoire en 2020.

Les adversaires de Bédié attendent qu’il se déclare pour dresser la liste des obstacles à sa candidature, en particulier son âge. Peu importe. Bédié est en train de consolider le noyau dur du PDCI-RDA. Il peut compter sur le soutien de tous ceux qui sont attaqués par le gouvernement, comme le maire du Plateau. C’est cela la politique, un paysage politique qui change selon les circonstances et la capacité de certains à s’adapter aux circonstances !

Si on relit l’Appel de Daoukro, il faut le relire comme un Appel à la candidature unique de Bédié en 2020 ! Mais, aveuglés par leurs propres ambitions, les politiciens ont été incapables de décrypter un texte comme l’Appel de Daoukro. En 2014, Bédié était déjà dans l’opposition à Ouattara, car il préparait sa candidature pour 2020.

Auteur : La rédaction

Source : Lementor.net

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